C’est la passionnante histoire d’un monsieur né en 1807 à Avesnes-sur-Helpe dans le Nord (1), que nous raconte la BNF Richelieu depuis le 1er mars, avec son exposition intitulée «Visions d’Egypte». L’Egyptologue Prisse d’Avennes n’était même pas oublié, il était ignoré du grand public. Mais la BNF nous restitue sa mémoire à travers l’œuvre de celui qui s’appelait en long Achille Emile Prisse d’Avennes (et encore il manque deux prénoms).
Voilà un homme qui à peine sorti des Arts et Métiers avec son diplôme en poche s’en va faire la guerre en Grèce, séjourne aux Indes, décide d’un bref arrêt en Palestine et finit par débarquer en Egypte en 1827 où il travaillera d’abord comme ingénieur pour le gouvernement égyptien.
En 1836, alors qu’il parle désormais couramment l’arabe, il se change en égyptologue, archéologue, ethnologue et explore le pays.
Il rentre en France en 1844 en rapportant un Papyrus vieux de près de 4000 ans (présenté à l’exposition) et qui porte son nom. Quatorze ans plus tard il retourne au pays des Pharaons cette fois missionné par le Ministère de l’instruction publique et il se fait accompagner d’un dessinateur et d’un photographe.
Cette plongée dans l’Egypte antique et dans celle du 19e siècle mérite cinq étoiles. Il y a là 200 œuvres (calques, estampes, peintures, dessins, photographies) fascinantes qui sont le résultat de ses déplacements, explorations et séjours.
Si les photos ont un intérêt surtout documentaire, ses calques et aquarelles qu’il réalise lui-même révèle une passion évidente pour l’Egypte, ses monuments et ses habitants qu’il juge indispensable d’associer. C’est aussi la traduction d’une exigence constante que traduit notamment une note titrée «coloriage» visant à expliquer comment il faut s’y prendre pour copier la tonalité d’une couleur à l’identique. Ainsi dit-il «j’ai appris par les colonnes du promenoir que c’est avec un mélange de carmin et de jaune de chrome qu’on obtient un beau rouge d’un maniement facile».
Prisse d’Avesnes a la réputation d’être fort en caractère et même indomptable, mais c’est aussi un sentimental. Sa façon de représenter cette joueuse de mandore (aquarelle sur calque, 1859/1860) l’atteste. Elle fait partie d’un tableau retrouvé dans la tombe de Kenamon et représente Aménophis II sur les genoux de sa nourrice.
A ses qualités d’artistes et de documentaliste s’ajoutent aussi celle de l’écrivain puisqu’il ne publiera pas moins de cinq livres tous consacrés à l’Egypte. Ce sont des livres immenses à côté desquels une encyclopédie Larousse ferait figure de livre de poche.
«Ce que j’ai fait avec les faibles ressources qui m’étaient accordées écrit-il à son ami Félix Caignart de Saulcy le 16 janvier 1860, est immense. Je rapporte 300 dessins parmi lesquels il y a des calques coloriés de 7 à 8 mètres de longueur -plus de mètres d’estampages- 150 photographies (…) sans compter mes croquis & mes notes. Sans vantardise, j’ai recueilli de quoi faire le plus bel ouvrage qui ait encore été publié sur l’Egypte. »
Ce qu’il dit est vrai. L’entrée dans l’exposition mue le visiteur en un explorateur qui découvre pour la première fois une pièce cachée de l’Egypte antique. L’hommage que lui rend la BNF jusqu’au 5 juin 2011 est parfaitement justifié.
(1) 3031 habitants au recensement de 1806