True Grit, le western soigné des frères Coen

Harcelé par un avocat qui tente de lui faire avouer ses méthodes pour le moins peu orthodoxes, soit un net penchant pour le tir aux pigeons au détriment des subtilités de la procédure judiciaire, le Marshall Rooster Cogburn ( Jeff Bridges) répond laconiquement, «généralement quand je recule, je vais toujours vers l’arrière». La salle du tribunal évidemment éclate de rire. Le Marshall a retourné l’audience et emporté le morceau.

Nous sommes à la fois, dans cet humour particulier, presque reconnaissable mais aussi dans l’Ouest sauvage  et bien sûr, dans le dernier film des frères Coen, un western, True Grit.

La capacité de ces deux cinéastes à se glisser avec talent dans un genre demeure assez remarquable. On connaissait l’intelligence avec laquelle ils ont visité les meilleurs auteurs du roman policier américain. Des films qui sentaient bon les livres, de Dashiell Hammet, Raymond Chandler, Jim Tompson, Cormac MacCarthy. Sans parler de leur virtuosité dans la comédie, autre genre complexe, des plus délicats à maîtriser. Ils mettent aujourd’hui un pied (une botte) dans le western et ils s’en tirent avec élégance, servis par des comédiens au jeu précis et subtil, à commencer par un  Jeff Bridges, exceptionnel.

True Grit, d’après un roman de Charles Portis, avait déjà été adapté au cinéma. Henry Hathaway, épaulé par John Wayne, tous deux, hélas, en plein retour d’âge, avait commis quelque chose d’un peu fade, sorti en France sous le titre «Cent dollars pour un shérif».

A la manière de «L’homme qui tua Liberty Valance» le très beau film de John Ford, l’histoire nous est racontée par le personnage le plus idéaliste ou le plus naïf. Celui qui finalement grandira en perdant ses illusions, apprendra le monde par la violence du monde, violence étant surtout ici synonyme d’absurde.

Mattie Ross (Hailee Steinfeld) se souvient des jours qui ont, en quelque sorte, mis fin à son enfance. C’est à dire, les jours de sa grande Odyssée, thème d’ailleurs cher aux frères Coen. Réclamant justice, elle décide de poursuivre, elle-même, l’assassin de son père, Tom Chaney (Josh Brolin). Lequel a pu prendre la fuite sans être inquiété et se réfugier dans le territoire indien. Territoire dangereux, hors de portée de la loi où le meurtrier rejoindra justement une célèbre bande de hors-la-loi, celle de Lucky Ned Pepper (Barry Pepper). Mattie recrutera moyennant une centaine de dollars, le Marshall Cogburn. L’homme est borgne, peu avenant et la plupart du temps, très alcoolisé. Mais sa réputation n’est plus à faire. Le bonhomme est aussi efficace qu’impitoyable. Les scènes où la jeune fille avec un culot impressionnant « manage » littéralement, du haut de ses quatorze ans, le «vieil ours», sont d’anthologie. A l’équipe viendra s’ajouter un Texas Ranger, LaBoeuf (Matt Damon) qui poursuit le même gibier (de potence), pour le compte de la famille d’un sénateur texan que Tom Chaney a envoyé «ad patres» quelque temps auparavant.

Le cœur du film est là, dans ce huis clos, une veine classique du western. Les deux adultes ne seront pas à leur avantage face à la détermination inébranlable de la jeune fille qui, seule, porte un vrai projet. Elle aura d’ailleurs bien du mal à préserver la cohésion du groupe. Et ce sera sans doute elle qui fera preuve de la plus grande maturité. Cogburn et LaBoeuf ne sont que de grands enfants indécrottables, toujours pris dans les rets de leur rivalités et autres fanfaronnades.

«Généralement quand je recule, je vais toujours vers l’arrière». La citation pourrait valoir sinon pour le film du moins pour le regard que porte la jeune Mattie sur l’absurdité du monde adulte. Soit un pas vers le mieux et deux pas vers le moins bien. La fin de l’histoire consacrera, toutefois, le courage voire l’héroïsme du Marshall et du Texas Ranger.

Peut-être se dégage-t-il aussi paradoxalement du film  quelque chose d’autre, une sorte de mélancolie pour ces temps tragiques, certes, mais où régnait un vent de jeunesse et de liberté, toutes deux à jamais disparues. Devenue une femme, vingt cinq ans ont passé, Mattie reviendra voir le Marshall Cogburn, mais ce sera trop tard. Recasé dans un cirque, comme tout dinosaure dont les temps sont révolus, celui-ci est mort quelques jours auparavant. Elle prendra en charge sa sépulture et sa mémoire. Sans doute pour rester fidèle, à quoi d’autre, sinon à ses souvenirs.  

Et la bande annonce sur ALLOCINE.          

 

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