A la recherche de la femme perdue

De Balzac, on connaît l’imposante stature, les ennuis financiers récurrents et l’œuvre monumentale (142 titres dont 85 romans). Une production à la Victor Hugo, cet ami fidèle qui sera parmi les premiers à voir en lui un génie, et à s’incliner devant sa dépouille mortelle.

Dans la biographie qu’il consacre (après tant d’autres) à  l’écrivain prolixe, Gonzague Saint Bris met en lumière les blessures à  l’âme du romancier trapu qui disait de lui «je ne suis pas profond, mais très épais».  Descendant par sa mère du premier éditeur d’Honoré de Balzac (Louis Mame), «GSB» mêle à la vie de l’écrivain les moments forts de son œuvre, le vécu de ses personnages. Se plongeant à cette fin dans le fameux «carnet de travail» d’Honoré de Balzac – ce manuscrit où l’auteur de «La comédie humaine» consignait ses idées de roman et les ébauches, décors et plans de ses futurs ouvrages.   «Le grand parc de mes idées», l’appelait-il.

La biographie Saint Bris fait la part belle aux femmes de Balzac. Honoré  les aime et écrit le plus souvent pour elles, nouant une  indéfectible amitié «proche de la perfection» avec George Sand. Pourtant, l’écrivain passe le plus clair de son temps à chercher «la» femme, sa mère d’abord, son (unique) épouse ensuite. Une quête permanente dont se nourriront sa sensibilité et son sens inouï  de l’observation, tant il est vrai que «la mémoire n’enregistre bien que ce qui est douleur».

Né en 1799 de Bernard- François Balssa (le « z » et la particule viendront après) et de Laure Sallambier de 31 ans sa cadette,  Honoré est d’emblée confié à une nourrice puis mis en pension. Sa mère lui préfère son jeune frère bâtard, Henri. Elle ne croit pas en son talent, le rabaisse systématiquement… Elle sait pourtant jouir des fruits de son labeur quand  nécessité s’en fait sentir… Ainsi, alors qu’il  s’est lourdement endetté suite à ses déboires dans l’édition et  à sa « Balzacomanie » (achats compulsifs de meubles, tableaux, bronzes, tapis, bibelots, etc.),  elle lui  réclame le versement de la pension qu’il lui a promise du temps où chantait la cigale, mais qu’il n’acquitte plus qu’épisodiquement une fois la bise venue. Elle lui  reproche alors de « sacrifier sa fortune en maitresses, montures de cannes, bagues, argenterie ».  Elle lui survivra quatre ans. Comme quoi la méchanceté conserve. Surtout quand on a su habilement négocier avec sa bru devenue veuve l’échange de sa part (négative !) d’héritage contre une confortable rente viagère… Génitrice indifférente certes mais pas désintéressée !

Après avoir trouvé chez des compagnes d’âge mûr la mère qu’il n’a jamais eue, le romancier  fixe ses assiduités sur une comtesse russe d’origine polonaise, Evelyne Hanska. Il l’a rencontrée par le biais… des petites annonces.  Décidément, l’édition joue un rôle important dans la vie de l’écrivain. Ses voyages répétés entre Saint-Pétersbourg et Paris finiront par épuiser son organisme délabré  par des années de labeur, produisant les bonnes années jusqu’à un livre par trimestre, parfois vendu avant même d’avoir été écrit. Honoré de Balzac meurt à cinquante et un ans. Son «obsession féminine» se résume alors à cette équation que Cupidon trouverait bien décevante  «18 ans d’amour, 16 ans d’attente, 2 ans de bonheur et 6 mois de mariage».

Le livre donne l’envie de se replonger dans l’œuvre d’Honoré de Balzac. Une trentaine de romans se trouve résumée en fin d’ouvrage, faisant de cette  biographie Saint Bris un ouvrage accessible à qui entreprend des études littéraires.

Balzac, une vie de roman, aux éditions Télémaque

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