Terre Humaine : l’aventure en photos

Jean Malaurie est toujours le même géant. Le cheveu blanc et l’oeil charbonneux, il se tenait, immense et  à peine ému au milieu de la foule, dans la «galerie des donateurs» de la Très Grande Bibliothèque pour l’inauguration lundi dernier, d’une rétrospective unique, en photographies, sur sa collection «Terre Humaine».

Les éditions Plon ont choisi de verser à la BnF l’ensemble de la photothèque d’une collection ethnographique mythique, créée en 1954 sous la houlette du géographe, qui la dirige encore.

De cette formidable aventure éditoriale, jalonnée d’une centaine de titres, l’exposition  témoigne à travers 150 photographies, d’une trame commune et inspirée où chacun a nourri son imaginaire, au gré des époques et de ses grandes signatures. Pour la première fois,  le lecteur est confronté en un seul lieu au vertige des clichés originaux, en noir et blanc, se répondant d’un livre à l’autre, d’un continent à l’autre, et organisés autour de thèmes fondamentaux : l’espace, la filiation, la maternité, l’agonie, la terre nourricière, le sacré… Sous le regard des grands ethnologues, souvent enchantés, parfois indignés ou révoltés,  c’est un demi-siècle de notre planète qui défile, à travers son humanité la plus diverse, intime, souffrante ou éblouie.

Jeune fille Mnong Gar : Joong-la-dandine (1966). Photo : Georges Condominas /BnF

 Jean Malaurie lança la collection en écrivant le premier livre sous le titre légendaire des «Derniers Rois de Thulé» en hommage aux Inuits du Grand Nord bousculés par une base nucléaire américaine, avec lesquels il a vécu si longtemps . Le début d’une longue lignée de classiques mais aussi d’une aventure intellectuelle, unique, décentrant le regard de l’Occident sur les autres peuples. C’est Terre Humaine qui publie les travaux de Claude Lévi-Strauss à son retour du Brésil : l’époustouflant «Tristes tropiques», couronné de mille prix. Les autres grands ethnologues de la collection, Georges Condaminas, Robert Jaulin, Pierre Clastres, Georges Balandier, Margaret Mead, Eric de Rosny vont témoigner à leur tour  à travers des photographies sensibles, autant que par la beauté de leurs textes, de la variété des cultures et de l’immensité de la Planète Terre.

Plus tard, dans un genre différent, la collection aborde «l’ethnographie régionale» avec des récits comme «Toinou, enfant auvergnat», et les succès du « Cheval d’Orgueil» de Pierre Jaquez Hélias et de «L’été Grec» de Jacques Lacarrière. Dans chaque livre, la photographie a une place centrale, parti pris indissociable de témoignages militants d’une collection de combat : ce sont les regards décalés de Walker Evans sur les métayers d’Alabama, ( «Louons maintenant les grands hommes» )  ou de Bruce Jackson sur le milieu carcéral («Le Quartier  de la Mort»). Une forme de résistance. 

L’exposition a choisi pourtant pour affiche, de renvoyer à l’aube de l’humanité, avec  un très joli portrait, signé de Claude Levi Strauss. Au cœur de la forêt tropicale, une très jeune  fille Nambikwara  sourit sous le poids d’un minuscule singe porté sur sa tête : comme l’image d’un Eden déchu, volé par le feu roulant de la civilisation en marche…

Du 4 octobre au 20 novembre à la BnF

Jeune fille nambikwara au singe, 1938. Photo: Claude Lévi-Strauss/BnF

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2 réponses à Terre Humaine : l’aventure en photos

  1. CIPIERRE Patricia dit :

    Cela donne envie aux provinciaux,dont je fais partie, de venir à Paris se rapprocher de tous ces visages !

  2. GIRERD Maryse dit :

    Vous verrez, cela se produit très souvent avec « Les soirées de paris »… Bonne journée

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