C’est dans les vieux pots…

«C’est férocement drôle» affirmait ma voisine à son voisin, qui s’est trouvé être son époux, comme en témoigne leur retour bras dessus, bras dessous, dans le même appartement de la même rue du même arrondissement parisien et précisément ce même soir de la semaine passée après qu’ils ont ensemble, et côté à côte qui plus est comme déjà signalé, assisté ensemble à une même soirée Ionesco au Théâtre de la Huchette.

Pour le véritable no sense britannique sauce Eugène Ionesco, ou l’inverse, en lieu et place de l’improbable pastiche ci-avant, foncez à Saint-Michel, rue de la Huchette donc, où chaque soir se produit l’événement, à la suite La Cantatrice Chauve et La Leçon. Ou plutôt hâtez vous lentement, car ici le temps est figé, cette paire de pièces est présentée sans interruption depuis le 16 février 1957. Plus de cinquante ans. On approche la dix-sept mille deux centième ! Un mythe donc, visiblement connu aux quatre coins du monde si l’on en croit les rires appareil-dentairisés des ados néerlandaises présentes le même soir que ma voisine et son époux de voisin et pour qui la soirée constituait qui sait le point culminant (certes elles venaient d’un plat pays … mais sans camarades masculins, c’est bien étrange vraiment) d’un séjour de découverte de la rue de la Huchette et de ses mille saveurs.

Bon, le spectacle est donc rodé. «Au début c’était de l’avant-garde, maintenant c’est du classique» assure le metteur en scène Marcel Cuvelier. Les comédiens aussi ont changé, bien que certains ont assurément côtoyé personnellement sur scène les pionniers des années 50. Ils ont de l’expérience sans nul doute, et sont ainsi les gardiens en qui on peut avoir confiance d’un temple bien particulier. Et à vrai dire incontournable.

Le voisin de ma voisine n’a donc pas attendu la Cantatrice Chauve à la sortie des artistes rue de la Huchette, il est parti sans traîner avec son épouse. Et pourquoi pas après tout. Qu’importe, la cantatrice se coiffe paraît-il, toujours de la même façon.

Autre respectable vieille gamelle de laquelle on sert une excellente soupe, tout aussi follement assaisonnée, le Café de la Gare nous régale du tourbillonnant Tour du Monde en 80 jours. Un spectacle de Sébastien Azzopardi et Sacha Danino qui affiche 1.500 représentations au compteur pour sa sixième saison. Il s’agit bel et bien comme promis d’un «road movie déjanté». Imaginez, tout de même, un tour du monde en 80 minutes.

Le Tour du monde en 80 jours au Café de la gare. Photo: Lot

Le spectacle est fidèle à l’oeuvre de Jules Verne … tout en se permettant une foule de références contemporaines. Les premières surprennent voire agacent, mais bien vite voilà le spectateur submergé par ce premier degré assumé, emporté par une performance remarquable des comédiens, qui changent de costumes et de rôles à grande vitesse. Pour “raisons budgétaires et parce qu’un autre spectacle doit bientôt commencer”, voilà qu’on nous sert même quelques scènes en accéléré. On rit de bon cœur face à cette énergie bon enfant, qui n’est pas sans rappeler les 39 Marches, un excellent spectacle qui vit sa deuxième saison (après une longue tournée et deux Molières) au Théâtre La Bruyère.

Les pièces au Théâtre de la Huchette  et au Café de la Gare  et au Théâtre La Bruyère

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