Le panthéisme décomplexé de Franz-Olivier Giesbert

On ne connaissait pas « FOG » sous ce jour là. On savait pourtant l’écrivain-journaliste amusé de surprendre. N’est-il pas passé d’un hebdomadaire « gauche caviar » à un quotidien emblématique d’un groupe estampillé UMP, avant de diriger un magazine catalogué centre droit ?

Son dernier ouvrage, «Dieu ma mère et moi», publié chez Gallimard, traite de la foi, des religions, de métaphysique. C’est la poursuite post-mortem d’un dialogue engagé  avec sa mère, décédée à 69 ans d’un cancer. On imagine les joutes oratoires affectueusement animées qu’entretinrent  des années durant « l’homme de plume » et la « prof de philo ». Elle vénérait Descartes que lui juge «prétentieux et vaniteux». Lui  invoquait Spinoza («Tout est dans tout») pour asseoir son christianisme panthéiste… Ou plutôt son panthéisme christianisant !  Au Dieu créateur  insensible à la misère du monde, FOG oppose un Dieu univers dont l’existence se perçoit  à  travers   tout ce qui nous entoure. De la mousse humide et odorante du jardin au lever du jour à l’étoile qui brille au firmament en passant par la fleur mielleuse que butine l’abeille vrombissante, animal dont l’homme partage l’espèce.  Nul n’est besoin de démontrer l’existence de Dieu, il suffit de la vivre de nos cinq sens en alerte, prêche FOG.  Emmanuel Kant réconciliera mère et fils sur le terrain de la philosophie, comme les réunit la lutte contre le cancer, cet indésirable convive au banquet de la vie.

C’est un livre très personnel  et documenté que nous livre ici Franz-Olivier Giesberg.  Il fait état d’extraits d’ouvrages qui lui servent de guides spirituels, de livres de chevet. Leurs auteurs sont  des Saints, des prophètes, des théologiens, des philosophes de tous temps,  des romanciers…  On mesure ce qu’ils ont apporté – ou retranché – à sa foi. La conversion de Paul Claudel, récit d’une «enflure mâtinée de bouffissure» (diable !), lui semble louche. Celle d’André Frossard, quoiqu’express, lui paraît plus crédible…  Il fait de Simone Weil, «avatar de sa mère», «sa sainte personnelle». Bel  hommage posthume à sa génitrice !

La lecture n’est jamais aride. L’auteur attribue aux personnages  qu’il met en scène des réparties inattendues, insolites. Dérouter exerce sur lui  une jubilation manifeste…

S’agissant de la Communauté des Saints,  FOG a ses têtes auréolées. Il moque «la modestie grandiloquente et l’humilité ostentatoire» d’un Saint Augustin. Il loue Saint Anselme pour avoir inventé «la joie pleine» permettant d’accéder à Dieu. Il vénère Saint François d’Assise pour son amour des bêtes et son dénuement.  L’écrivain a surtout une infinie tendresse pour les deux Thérèse (d’Avila et de Lisieux) dont la brève existence fut exaltée pour l’une, faite de simplicité pour l’autre. La première avait la préférence de Mitterrand…

Franz-Olivier Giesbert n’est tendre ni avec les religions (qu’il met en garde contre elles-mêmes) ni  avec son Eglise dont il estime le radotage dépassé. Ses anciens lecteurs du Figaro apprécieront-ils ? Goûteront-ils les similitudes que l’écrivain se plait à noter entre Moïse et Mahomet ? Lui pardonneront-ils son indifférence affichée à pouvoir prier  dans une chapelle aussi bien que dans une synagogue ou une mosquée ?    

L’auteur de « L’affreux » et de « La souille » signe ici un ouvrage courageux, engagé. Ce qui ne l’empêche pas d’être léger, voire drôle. Notamment quand il  évoque  la répartie de Simone Weil menacée d’incarcération chez des prostituées. Ou l’ultime facétie d’André Frossard à l’article de la mort.

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