Lucian Freud’s touch : Astonish, Disturb, Seduce, Convince

Astonish, Disturb, Seduce, Convince. C’est ainsi que Lucian Freud qualifiait son travail de portraitiste. Huit mois après sa disparition, la National Portrait Gallery offre au grand peintre la rétrospective du travail d’une vie.

Astonish. C’est dans l’ordre chronologique que l’on découvre l’oeuvre de Lucian Freud. Ses premiers portraits comme celui de son tuteur Cedric Morris, peint à l’âge de 18 ans alors qu’il étudiait à l’East Anglian School of Painting and Drawing dans le Norfolk, ont déjà quelque chose de différent: une sorte de dissymétrie, à la limite de la distorsion avec une pointe de surréalisme comme dans l’autoportrait du peintre “Man with a feather”.

Puis, la fameuse “Girl with a white dog” nous fait presque un clin d’oeil. Et c’est une façon de parler car parmi tous les portraits de femmes et d’hommes qui l’entourent, c’est la seule qui nous regarde vaguement. Les autres ont tous le regard ailleurs, reclus dans leur propre monde comme si Lucian Freud avait réussi à capter leurs expressions au moment où ils étaient les plus abandonnés, les plus vulnérables.

Disturb. La force des portraits étonne mais leur dissymétrie volontaire, les couleurs beiges, grises et presque ternes, les articulations des corps nus soudain plus roses, plus rouges, dérangent. On entre dans la deuxième phase du processus : celle de la déstabilisation. On ne sait plus trop quoi penser de ces corps nus d’hommes et de femmes sur des lits à barreaux, des corps à l’abandon dans des draps défaits. Quelque chose de maladif, de médical, de désespérément sombre et inéluctable transpire des portraits de Lucian Freud.

Avec le temps, les tableaux du portraitiste deviennent de plus en plus grands. Ils dérangent toujours mais offrent aussi des moments de répit comme les autoportraits du peintre. Enfin le sujet nous regarde. Et surtout, les portraits de la mère de Lucian Freud. Magnifiques : comme si l’histoire tragique de la famille (Lucian Freud et ses parents fuient l’Allemagne nazie en 1933 pour la Grande-Bretagne et perdent de nombreux parents dans les camps de concentration) et de l’holocauste était à jamais figée sur les traits dignes de la vieille femme.

Seduce. Le tour est joué. Lucian Freud nous a dérangés pour mieux nous séduire. On est conquis par des portraits tels que “The two Irish men”, voire hypnotisés. Et ce n’est pas seulement nous, les visiteurs, que le peintre séduit mais aussi ses modèles. Des modèles qui se plient aux désirs du maître tout en lui cédant des morceaux de leur intimité, un certain accès à leur face cachée. Certains sont d’ailleurs particulièrement à l’aise avec Lucian Freud, comme l’artiste Leigh Bowery, pop-star culte des scènes culturelles londoniennes et new-yorkaises des années 80 et 90. La présence de l’artiste et son physique impressionnant nous font retourner dans la case “Disturb”.

Convince. Mais pas pour longtemps. Le processus de séduction reprend le dessus dès qu’on franchit le pas de la salle où sont exposés les derniers tableaux du peintre, des corps nus toujours, des lits à barreaux, défaits, des fauteuils décatis. Et surtout, derrière l’extrême nudité des modèles, la découverte de leur face dérobée. Il ne vous faudra pas longtemps pour être convaincu.

L'artiste Leigh Bowery par Lucian Freud. National Portrait Gallery. Londres.

 

Lucian Freud à la National Portrait Gallery jusqu’au 27 mai.

Sa fiche Wikipédia.

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