On te relira ma jolie

Edna O’Brien raconte qu’au mitan de sa vie d’écrivain, elle fit un soir,  la connaissance de cette sorte de sommet d’acteur qu’était Robert Mitchum. Lequel met une certaine ambiance, de cordiale à tout à fait joyeuse. Il avait dû la repérer car il finit par l’approcher sans plus de façons et lui dire «Let’s go baby». Edna O’Brien l’emmène alors dans sa maison de Putney.

Ils passent la nuit ensemble jusqu’à ce qu’un membre d’une équipe de tournage vienne sonner le matin pour annoncer que Monsieur Mitchum est attendu quelque part sur un plateau. Il la quitte alors et lui dit sur ton «sincère et blagueur» et après lui avoir lu les lignes de la main «On se retrouvera… ma jolie». Du Mitchum pur sucre.

A part cet épisode réjouissant, le milieu de cet ouvrage sorti en mars 2013 et intitulé «Fille de la campagne» n’est pas le plus remarquable. L’épisode Mitchum introduit en effet une période où Edna O’Brien énumère toutes les personnalités qu’elle rencontre grâce à sa notoriété d’écrivain. A 78 ans elle a décidé d’écrire ses mémoires ce qu’elle s’était pourtant promis de ne jamais entreprendre.

Ses débuts sont bien plus intéressants que le centre de l’ouvrage, c’est-à-dire comment une jeune fille pauvre en Irlande finit par accéder à l’écriture, se marier, divorcer d’un mari destructeur et rencontrer au passage cet autre monument, mais de l’écriture cette fois, qu’était James-Patrick Donleavy. Il lui a fallu s’extirper non sans mal de ce pays bigot par ailleurs merveilleux pour enfin aller vibrer avec force dans cette Angleterre déchaînée des années 60.

L’histoire de Edna O’Brien se confond avec son émancipation (inscrite dans une libération collective) et qui connaîtra aussi quelques gouffres comme une traumatisante expérience au LSD prescrite par un psy inconscient des dangers courus lorsque l’on ouvre à l’étourdi des champs de conscience qui ne sont pas fermés pour rien.

Un livre en trois époques dont la première est largement la plus séduisante, une seconde partie qui requiert un œil davantage ethnologique pour l’enjamber et une troisième pour la nostalgie si sensible  qui émane d’une existence en pente douce et qu’on lui souhaite encore longue.

 

Fille de la campagne. 476 pages. Sabine Wespieser Editeur. 25 euros

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Une réponse à On te relira ma jolie

  1. de FOS dit :

    Coquin de Bob !

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