La Deudeuche, mélodie en deux temps

Maquette de 2 CV au musée du jouet de Rambouillet. Photo: PHBLa reverra-t-on jamais ? Pourtant l’air du temps est à l’auto-nostalgie. Prenez la «Fiat 500», la voilà qui revient dans une version rembourrée, antichoc, bref sécurisée, mais qui a quand même gardé son allure de pot de yaourt, enfin un peu, suffisamment pour qu’elle fasse un tabac. Pareil pour la «Mini», certes moins mini que la «Mini», elle conserve un certain charme. Et si l’on ne retrouve pas la voiture, le nom  seul peut évoquer une époque. Citroën l’a bien compris avec sa nouvelle «DS».

Mais même les pare-chocs gonflés, il en est une qui risque d’avoir quelques difficultés à renaître de sa rouille. Pourtant, la «Deux Chevaux» aura marqué son époque : une boîte de conserve pour délires de jeunes et un droit de rouler pour les plus fauchés. Sûre qu’elle résistait peu à qui jouait à touche-touche pare-chocs mais la  «Deux pattes» passait partout. Sauf sans doute au travers des normes actuelles de sécurité. Pour se laisser conduire, elle avait son caractère. Sûr que par temps de pluie, les essuie-glaces  essuyaient très moyen, tout occupés qu’ils étaient à balayer laborieusement la vitre avant. La «Titine» eut même une version avec une boîte de vitesses à embrayage centrifuge,  je ne vous raconte pas. Enfin si, je vous raconte…

C’était une nuit de collage d’affiches. Dans la ligne de mire de nos pinceaux pleins de colle, le futur chantier de la centrale nucléaire du Blayais sur la Gironde. Le Blayais, vous situez ? Pendant la grande tempête de 1999, elle a failli nous jouer Fukushima avant l’heure. Les digues qui ne contiennent pas l’eau, la centrale qui s’arrête mais aïe… plus d’électricité pour la refroidir vue que les pylônes avaient été arrachés, ouf les diesels ont démarré.

Maquette de 2 CV au musée du jouet de Rambouillet. Photo: PHBBref, on colle, un pote me file les clefs de sa «Deudeuche». Enfin un pote, dix minutes avant je ne le connaissais pas, il prenait une autre voiture, celle-là était libre. Quatre jeunes dans une «Deux chevaux» plus deux pots de colle, ça se sent dans les ressorts des sièges et de la suspension. Je démarre, tout va bien. Je tire le manche des vitesses, «Titine» bondit sur place et cale. Deuxième essai, deux bonds et peut-être dix mètres de franchis. Pas forcément une bonne idée d’avoir rempli les seaux. Troisième essai, tout pareil. «On peut peut-être coller à pied ?» A l’arrière on sent le défaitisme poindre, qu’est ce que ce sera le jour du grand soir. Ludo analyse la situation : «Ce doit être un embrayage centrifuge, tu lances la « caisse » et tu accélères

Là on sent tout de suite le futur Sciences Po, ENA, esprit d’analyse de tout et n’importe quoi, le mec qui maîtrise son permis de conduire avant même de l’avoir passé. Moteur, clignotant, un bouton vert que l’on tourne à droite ou à gauche. Vitesse, je lâche la pédale, le mustang se cabre, bondit, je tiens les rênes, j’appuie sur l’accélérateur, deux bonds, trois, «Titine» roule ! Le problème, quand on colle, c’est qu’il faut s’arrêter souvent. A chaque démarrage, même cirque et à chaque fois un peu de colle de plus qui dégouline dans le coffre arrière. Au retour je rends les clefs au pote dont je ne saurais jamais le nom. «J’ai un peu eu peur en vous voyant partir» me dit-il. Je lui réponds «Oui, c’est l’embrayage centrifuge, faut s’habituer, mais après ça va».

Je n’ai jamais été copain avec les «2CH». Ainsi j’ai travaillé pendant une quinzaine de jours à Hirson dans l’Aisne pour «L’Union de Reims». Il  avait même une «Deuche» comme voiture de fonction. Je monte dedans pour couvrir une actualité ans doute passionnante. Un problème : les sièges dont les ressorts avaient rendu l’âme.  A travers la vitre de la voiture, je vois le ciel, rien que le ciel. Si je m’accroche au volant, je peux apercevoir le capot, pas vraiment la route. Une solution serait bien d’adopter le mode de roulement des avions quand ils ont la roulette à l’arrière. Pour voir la piste ils roulent en zigzag. Sur la route, c’est en général, assez difficile à faire. Enfin trop c’est trop ! Une fête au Maroilles était annoncée,  je n’aime déjà pas le fromage ! Les locaux jouaient au foot tous les dimanches, je n’y connaissais rien. Autrement les habitants semblaient se régaler du tir au pigeon, ils lancent en l’air une assiette, avec je suppose un pigeon servi dedans, ils tirent au fusil vers le plat qui explose… et je ne sais pas ce qu’est devenu  le volatile. Bref, j’ai rejoint «Nord Matin».

2 CV sur le mur d'images Google. Photo: PHB

2 CV sur le mur d’images Google. Photo: PHB

Ce tas de tôles décapotable jouait dans toutes les cours, même celle de Matignon quand Fabius alors Premier ministre arrivait au volant d’une «Deux chevaux». Au cinéma, on la retrouve plus souvent qu’à son tour. Elle joua certes la carte comédie, souvent en pièces détachées. Vous vous rappelez du Corniaud de Gérard Oury. De Funès dans sa Cadillac fait exploser la voiture de Bourvil qui s’extrayant du tas de tôle, lance : «Et  maintenant elle va marcher beaucoup moins bien c’est certain ! (Revoir)

Mais dans Les diaboliques de Clouzot, camionnette, elle transporte le cadavre de Paul Meurisse. On la retrouve dans la scène de la Walkyrie d’Apocalypse Now. Allez un dernier souvenir pour la route. Dans le James Bond «Rien que pour vos yeux», elle vole la vedette à Carole Bouquet (c’était avant qu’elle soit une bonne actrice) en dévalant le maquis méditerranéen, dans le sens de la plus grande pente.

 

Stop ! Regardez l’extrait, rien ne vous choque ? Réponse dans les commentaires !

 

 

 

 

 

 

 

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2 réponses à La Deudeuche, mélodie en deux temps

  1. Philippe Bonnet dit :

    Un auteur de roman policier laissait penser à l’un de ses personnages dans « une poupée un peu gonflée » qu’en pénétrant dans une Citroën il avait eu l’impression « d’enfourcher un animal vivant ». PHB

  2. jmcedro dit :

    Vu l’extrait et, effectivement, le changement de conducteur intempestif n’est pas très raccord…
    A moins!, à moins que le couple Roger Moore/Carole Bouquet n’ait eu le temps entre deux virages de mettre à profit la fameuse suspension Citroën, avant d’échanger leurs places. Sacrée Deudeuche…

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