Phuket : le carnet de voyage de Karine M.

Echoppe végétarienne. Photo: Karine M.Nous avions laissé Karine M. à Hong Kong. Nous la retrouvons en Thaïlande, une nouvelle étape de son périple asiatique, plus exactement dans la ville de Phuket mais loin des grands hôtels du bord de plage, elle nous invite à la suivre dans la foule du «festival végétarien». Extraits de son carnet de voyage. (B.S.)

A l’origine du festival végétarien, une épidémie qui a frappé Phuket, il y a 150 ans. Au même moment une troupe de chanteurs (c’est du moins ce que j’ai compris) est venue dans la ville. Ils conseillèrent aux habitants à la fois d’arrêter de manger de la viande et aussi d’honorer un dieu que les habitants avaient oublié dans leurs offrandes cette année-là. Et miraculeusement, tout le monde a guéri. Depuis, chaque année, pendant les neuf jours de la lune montante en octobre ont lieu cérémonies et processions. Un festival végétarien ? Voire. Le dernier jour on recuisine de la viande avant de reprendre une activité normale. D’ailleurs, s’il y a beaucoup de kiosques de cuisine végétarienne, indiqués par le fanion jaune (et souvent sponsorisé par Maggi), il y a aussi, à l’extérieur des rues où ont lieu les processions, de nombreux kiosques sans fanion présentant des animaux ostensiblement éviscérés. Bref, c’est compliqué !

La majorité du public, les spectateurs, est tout habillée de blanc. Certains suivent la procession, d’autres regardent. Des femmes passent sur des chars allégoriques… un peu à la façon de Miss Pays-de-Loire. Les hommes portent des petits temples de bois avec une statue dedans. Ils y glissent aussi des pétards. J’ai encore mal à la tête de ce bruit rien que d’y penser!

 

Le festival de Phuket. Photo: Karine M.

Arrivent ceux qui sont en transe. Des femmes qui semblent retourner en enfance. Elles sautillent, certaines ont même des tétines dans la bouche. D’autres, des hommes surtout qui portent un tablier, un fouet et un drapeau. Dans une gestuelle complexe, ils font des gestes avec leur drapeau, parfois mais plus rarement avec leur fouet, à d’autres moments ils lancent du riz ou donnent des cordelettes aux personnes présentes. Dans une échoppe un commerçant décide de sortir une série de pétards sur un bâton et les allume derrière lui. Un processionnaire va prendre un fruit et le donner à un des commerçants présents derrière la table. C’est comme ça que j’ai eu, en deuxième main, un fruit qui m’a été donné par une des réceptionnistes de mon auberge de jeunesse, une magnifique clémentine grosse comme une orange certainement bénie et surtout délicieuse. J’espère que j’avais le droit de la manger…

Piercing décoré. Photo: Karine M.

Et puis bien sûr voici le plus impressionnant, les «percés». Il est dit que les personnes qui s’y soumettent ne saignent pas et ne ressentissent pas la douleur. Je veux bien le croire pour le saignement mais certains n’avaient pas l’air d’être très bien. Peut-être est-ce à cause du poids de ce qu’ils se mettent dans les joues. Plusieurs les soutenaient. Je me rappelle d’avoir vu plus tard trois «percés». L’un avait des pansements ensanglantés, le deuxième des énormes ecchymoses, et le troisième presque rien comme un trou de piercing «traditionnel».

La sensation, dans la foule, surtout lors de la cérémonie au temple de nuit est vraiment spéciale. J’avais l’impression d’être dans un univers parallèle ou plus rien n’est logique et où beaucoup de personnes semblent ailleurs. Avec le bruit assourdissant des pétards et la musique répétitive, on rentre vraiment dans une autre dimension. Pas étonnant de voir certains tomber en transe !

Tous les soirs des neuf jours du festival, on peut suivre des cérémonies différentes dans plusieurs temples de la ville, soit une douzaine d’endroits différents.

Ce soir-là, je pénètre dans l’enceinte d’un temple, une plateforme est installée en hauteur, chacun avait une fleur, une bougie et 3 bâtons d’encens. Cette cérémonie sera, sans doute, la plus calme à laquelle j’ai assisté mais pas la moins intense. La plus calme car quand elle a commencé tous les pétards se sont arrêtés, un vrai bonheur! Un nombre incroyable de gens : les hommes en transe sont définitivement les personnages principaux du festival, accompagnés par des hommes en blanc. Ils grimpent sur la plateforme. Les gars en transe bénissent des objets, des gros, des petits, et le cérémonial achevé, il retire un papier du dessus. Je suppose que c’est pour indiquer aux autres qu’il n’y a pas besoin de recommencer.

Puis, il y a eu une annonce pour demander au public d’allumer leur bougie et encens. Et là, derrière, un homme, lui aussi en transe, a commencé à taper de son bâton le sol. A intervalle irrégulier, une cloche tintait des fois fort, des fois doucement. Le public levé alors vers le ciel fleurs, bougies et encens. Ça durait, ça durait ! Ça a duré plus d’une heure. J’ai eu peur, coincé dans la foule, d’être là pour toute la nuit. Les hommes en transe sont ensuite redescendus de la passerelle pour se mettre en face de femmes en bébé apparues là d’un coup. Mieux que le Cirque du soleil sur les apparitions! J’ai écouté leurs chants. Ils  ont distribué ensuite des cordelettes à qui en voulait.

Les chars allégoriques. Photo: Karine M.

Les chars allégoriques. Photo: Karine M.

J’ai su après que dans cette cérémonie on bénissait, chacun des jours de naissance. J’imagine donc que la cloche a tintinnabulé 365 fois. Le lendemain a eu lieu au même endroit une cérémonie consacrée aux années de naissances : tigre, dragon, rat etc.

Mais j’étais parti vers un autre temple voir ce que je croyais être de la marche sur des braises… Ce fut pire.

Une plateforme se dressait. Elle est plus petite que celle de la veille mais plus haute. L’originalité de la plateforme (si je peux dire !) résidait dans son escalier, fait de lames de rasoir… Peu d’hommes en transe pour cette performance-là, peut-être six ou sept qui ont monté et redescendu l’échelle certains en faisant exprès d’appuyer voir de sauter sur les marches. Ils ont ensuite pris chacun une hache sauf un qui avait une épée et se sont mis à lécher frénétiquement le tranchant effilé (un s’est coupé) puis se sont mis l’un en face de l’autre, balançant leur hache du dessus de leur tête à leur entre-jambe. La hache de l’un d’entre eux s’est prise dans son tablier, nous avons tous eu peur mais je ne crois pas qu’il se soit blessé la jambe.

C’est la première fois que je voyais aussi des policiers lors d’une cérémonie. A la fin, les hommes ont béni des fruits qu’ils ont donnés aux gens. Des cordelettes furent également distribuées, j’en ai eu une sans rien demander. Un des employés de l’auberge de jeunesse est venu vers moi et m’a donné un bout de tissu rouge en me disant que c’était pour avoir de la chance.

Echoppe pendant le festival. Photo: Karine M.

Echoppe pendant le festival. Photo: Karine M.

Plus tard, alors que je m’étais arrêté devant un kiosque pour manger. Je mets mon sac sur le devant pour prendre mon porte-monnaie et là, la cuisinière me dit «attends». Elle prend le tissu rouge qui était à moitié rentré dans une poche et puis note les chiffres qui y étaient écrits. Elle me remercie de lui avoir apporté les numéros de la chance. Le «pad thaï» qu’elle m’a fait était très bon!

Karine M.

Karine est ensuite partie dans le silence des îles. Elle écrit : «Ma cabane est dans la partie «jungle» de l’ile de Ko Mook entourée de cocotiers. Et à quelques mètres de là, une plage magnifique…» (BS)

  

 

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