Le bâton dans la baratte

détail de l'iconographie de l'exposition "l'amour au Moyen Age" à la Tour Jean sans Peur. Photo: Les Soirées de ParisOn ne sait pas trop comment, précisément, Jean sans Peur (1371/1419) considérait les choses de l’amour, mais la fameuse tour qu’il nous a laissée rue Etienne Marcel étrenne une exposition passionnante qui va du langage au « jeux interdits » à l’époque ou épée et fourreau ne désignaient pas forcément un dispositif de défense ou d’attaque. Car nos ancêtres avaient déjà le sens de l’image grivoise.

En textes et en images, le plus souvent avec humour, la salle réservée de la Tour Jean sans Peur nous raconte l’amour, les positions autorisées, interdites, l’adultère. A l’époque une femme qui couchait avec un autre que son mari commettait un « péché charnel » susceptible de lui valoir une amende alors que le mari se distrayant avec une autre ne se rendait coupable que de « péché spirituel ».

Détail de l'exposition "L'amour au Moyen Age" à la Tour Jean sans Peur. Photo: Les Soirées de Paris

Détail de l’exposition « L’amour au Moyen Age » à la Tour Jean sans Peur. Photo: Les Soirées de Paris

Le rapt, notamment à Dijon (là où est né Jean sans Peur, duc de Bourgogne, comte de Flandre), ne correspondait pas à un enlèvement romanesque. Il s’agissait ni plus ni moins de forcer le destin et/ou d’obtenir une relation sexuelle sans consentement. Si la victime décidait de dénoncer le coupable, on pouvait au mieux, est-il écrit, arracher les yeux de l’audacieux, au pire l’enterrer vivant. Il valait mieux réfléchir plus d’une fois, comme il se disait à ce moment-là, avant de songer  à mettre le « bâton dans la baratte ».

Pour les jeunes hommes qui préféraient faire la cour, l’approche était bien codifiée dès lors que le chaperon fermait les yeux sur les deux amoureux rapprochés. « Il se rapproche, enlace sa proie, colle sa jambe à la sienne, lui caresse le menton puis la poitrine, jusqu’à lui empaumer un sein… » est-ce bien différent d’aujourd’hui ? Certes l’on ne parle plus beaucoup de son amante comme d’une « monture hardie au combat » mais ce ne sont que des mots et les nôtres d’aujourd’hui entreront au musée dès demain.

Epinglette en forme de sexe féminin visible à l'exposition "L'amour au Moyen Age" à la Tour Jean sans Peur. Photo: Les Soirées de Paris

Epinglette en forme de sexe féminin visible à l’exposition « L’amour au Moyen Age » à la Tour Jean sans Peur. Photo: Les Soirées de Paris

On voit de belles images sur le sujet à la Tour Jean sans Peur, en général assez pudiques. Il y a bien un avertissement pour le public non averti mais ce n’est pas un phallus ailé que l’on croirait dessiné par Reiser ou encore une vulve en posture de croisé au garde à vous qui risqueraient de choquer, au 21e siècle, un nourrisson des moins blasés.

Dans le sous-sol qui jouxte un bout de l’enceinte de Philippe Auguste se trouve comme de juste le sujet réservé à la prostitution médiévale avec une grande image présentant une étuve à compartiments où l’on pouvait dîner en grande gaieté dans l’eau des baquets et au milieu de naïades. Là en revanche il faut bien admettre que les choses ont changé.

Jusqu’au 9 novembre 2014. Tour Jean sans Peur, 20 rue Etienne Marcel 75002 Paris. (13h30-18h du mercredi au dimanche)

Post-scriptum : Ce sont les animateurs de la Tour Jean sans Peur qui avaient organisé l’été dernier des visites de la Tour Saint-Jacques  à proximité du Châtelet. Le succès avait été tel qu’après 9 heures du matin, le carnet de visites était déjà rempli pour la journée. L’expérience doit être renouvelée l’été prochain avec le concours de la Tour Jean sans Peur si l’appel d’offres de la Mairie de Paris est favorable.

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2 réponses à Le bâton dans la baratte

  1. Jip dit :

    Empaumer, de même, emboucher (croisé dans un ouvrage de cette époque)… que de jolis mots !

  2. Bruno Sillard dit :

    Merci pour cette ballade surprise dans Paris, les « Soirées » sont de plus en plus irremplaçables…

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