La liberté au bout du pinceau

exposition Denis Robert à la Galerie W. Photo: LSDPA la suite d’une enquête poussée sur une partie de la plomberie financière, le journaliste et écrivain Denis Robert, après des dizaines procédures à son encontre, a trouvé dans l’art un exutoire à ses péripéties. Il propose jusqu’au 15 mars une mise en images de son travail, notamment à travers une œuvre graphique dans laquelle il promet ironiquement qu’il ne parlera plus jamais en mal de l’affaire Clearstream, un établissement financier qui valut pas mal d’ennuis à beaucoup de monde.

Il n’est pas si fréquent que l’art investisse la finance, à l’occasion c’est plutôt l’’inverse qui se produit, mais il y a eu quelques précédents comme au printemps 2012 lorsque qu’un collectif d’artistes du 59 rue de Rivoli s’était penché avec bonheur sur ce sujet alors en pleine crise systémique.

Ce qui fait l’originalité du travail de Denis Robert est qu’il met en scène son implication dans un monde qui était bien trop fort pour être attaqué sans se laisser faire. Il y a dans ce milieu de quoi passer quelques nuits blanches et même matière à laisser quelques plumes (de corbeaux, d’étourneaux, de vautours…) sur le champ de bataille. « Shoot the bank » professe l’artiste, alors que la presse témoigne par ailleurs de banquiers mis en terre par leur propre faute.

De ce combat d’emblée inégal, l’auteur précise dans une note d’intention qu’il a contribué à faire avancer la liberté de la presse : « En 2011, fin du processus judiciaire. J’ai – on a – gagné « […] La Cour de cassation rejette de façon définitive toutes les demandes de la société Clearstream à l’encontre de Denis Robert, et relève l’intérêt général du sujet traité et le sérieux de l’enquête diligentée par lui. ». Il s’agit d’une jurisprudence, qui sert maintenant à la défense de la liberté d’expression des journalistes devant la justice ».

Exposition Denis Robert à la galerie W. Photo: LSDP

Exposition Denis Robert à la galerie W. Photo: LSDP

La transposition de cette affaire en peinture ou à la craie sur de grands panneaux dont le substrat est souvent formé d’éléments d’enquête ne manque pas d’intérêt. Elle fait d’un moment de vie une scénographie expiatoire et peut-être conclusive. « Je rends des comptes, explique-t-il encore,  je continue à gamberger, à tracer, à explorer, à exposer. J’ai imprimé des pages de mes carnets de notes, des listings bancaires, des pensées sur toiles. J’ai franchi une barrière invisible. Je suis allé vers des espaces inconnus où je bataille avec des vides, des lignes, des châssis, des cartons, des épaisseurs, des mots, des encres et des couleurs. De cette matière, je finis par créer un langage ».

Pour l’artiste qu’il est en l’occurrence devenu, cette exposition peut aussi constituer une impasse puisque l’affaire est quasiment close. Peut-être que Denis Robert, qui est maintenant au coeur d’une bande dessinée et aussi d’un film, devra exploiter une autre phase de sa vie pour continuer son talent graphique à moins qu’il ne mette les voiles pour continuer sans alibi dans l’expression artistique.

Le pouvoir est « au bout du stylo » placarde-t-il sur les murs de la galerie W. Mais c’est au bout du pinceau qu’il a recouvré une autre forme de liberté.

PHB

Galerie W Eric Landau
44 rue Lepic 75018 Paris
Jusqu’au 15 mars

aspect de l'exposition Denis Robert à la galerie W. Photo: LSDP

Aspect de l’exposition Denis Robert à la galerie W. Photo: LSDP

 

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Une réponse à La liberté au bout du pinceau

  1. Anne Archen Bernardin dit :

    Voila un engagement d’artiste qui me plaît… Contre le pot de fer, le pot de peinture et son pinceau soyeux et urticant!!! Ne pas renoncer d’être cet akène de chardon( apprécieront les botanistes et les amateurs de jeux de consonnances imparfaites!!) qui se glisse dans la chaussette et qui irrite tant!!

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