« Pelléas et Mélisande », moins fort maestro !

Détail de l'affiche de Pélléas et MélisandeLe « Pelléas et Mélisande » de Claude Debussy, ce plaisant mélange de musique et de poésie, tient-il ses promesses à l’Opéra Bastille ? Il est permis d’en douter tant les interprètes peinent à remplir l’espace scénique et lyrique, il est vrai imposant. Et comble du paradoxe pour cette œuvre écrite en français, le spectateur ne parvient pas – même en tendant l’oreille – à s’affranchir du sur-titrage des partitions destinées à mieux comprendre le texte !

Dans le rôle de Mélisande, la soprano Ellena Tsallagova montre un joli timbre de voix, mais du genre filet de fontaine. Pelléas, alias Stéphane Degout, s’efforce de hisser sa voix de baryton aux décibels supérieurs. C’est dommage s’agissant des deux principaux rôles… Paul Gay, en Golaud mari jaloux et vengeur, en impose davantage avec sa stature et parvient à faire vibrer les tympans. Mais c’est dans le rôle du vieux roi Arkel, assez peu présent sur scène, que Franz-Josef Selig est à la hauteur du challenge musical. Euphémisme pour une voix de basse qui va chercher l’octave au plus profond des sous-sols du bâtiment.

L’envoûtement, à défaut des voix, repose sur les nombreux interludes musicaux du spectacle, impeccablement dirigés par Philippe Jordan. Le jeune maestro prend soin d’accompagner sans les écraser les vibratos des interprètes et donne la mesure de son talent en orchestrant aux seuls instruments les variations musicales du compositeur « poète des eaux ».

La mise en scène allie lenteur et allégories. Elle est signée Robert Wilson. Le Texan fait évoluer les artistes d’un pas lent, souple et glissant – un ralenti à la moonwalk calculé pour épouser les méandres du livret de Maurice Maeterlinck.

Pour que leurs voix portent au maximum, les artistes se meuvent épaules tournées vers le public. Une gestuelle qui leur confère des postures de statues égyptiennes. Et Mélissande joue avec grâce des bras et des mains comme une danseuse étoile évoluant sous la voûte céleste. Les tenues vestimentaires ont des couleurs manichéennes, blanc pour les deux enfants-amants, noir pour le mari jaloux et vengeur, gris pour le cacochyme grand-père, rouge pour la mère. Empruntés à différentes époques de l’histoire, ces vêtements font de la transposition chantée du mythe de Tristan et Yseult une histoire d’amour universelle.

afficheLe décor, minimaliste en moyens, est efficace pour symboliser une forêt plus noire que celle de Brocéliande, dans la pénombre de laquelle on peine à deviner qui s’exprime, fût-on installé aux bonnes places. Le gigantisme de l’Opéra Bastille donne lieu à des séquences cocasses. Comme cet escabeau figurant l’échelle d’où Pelléas s’évertue à toucher les cheveux de sa belle, elle-même perchée sur un monte-charge figurant une fenêtre du château… Ainsi accessoirisé en deux morceaux épars, la rencontre dépoétisée vire au sketch, et la scène au ridicule. On évite de songer à Cyrano déclamant sous la fenêtre de Roxane…

En définitive, ce sont les jeux de lumière qui emportent l’adhésion du spectateur. Ils dessinent l’anneau de la belle recherché au fond de la grotte, le cercle contournant la fontaine aux facultés miraculeuses, la lune qui cherche à percer d’entre les arbres. Un simple rai lumineux nimbe la robe à traîne en apparition fantomatique. Un faisceau éblouissant enchâsse et illumine de l’intérieur une Mélisande agonisante métamorphosée en gisante d’une crypte obscure.

Guillemette de Fos

A l’opéra Bastille

 

 

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Une réponse à « Pelléas et Mélisande », moins fort maestro !

  1. Frédéric MAUREL dit :

    Vu hier soir, ce spectacle m’a laissé une impression moins négative.
    Bien sûr, Bob Wilson est agaçant avec ses choix prévisibles et ses postures hiératicomiques, mais pour le reste, les chanteurs étaient tous bons et, même placé au dernier rang, j’ai bien entendu tout ce qui devait l’être…
    Pour le reste, la musique est magistrale et, hormis un entracte à vocation strictement commerciale, les enchaînements de tableaux sont majestueux / superbe livret !
    Bref, une soirée de plaisir qui a désintégré mes soucis de boulot jusqu’à ce matin !
    Que demander de plus ?
    F.

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