Morceau de premier choix

L'affiche de Prime Cut. Photo: LSDPIndustriel de l’élevage et de l’abattage, Mary Ann est un gars de Kansas City qui n’aime pas que l’on vienne lui réclamer de l’argent dû. Il a fait débiter en saucisses le dernier émissaire que lui a adressé son créancier. C’est le tout début du film « Prime Cut » et cette introduction est de bon augure. Violent, vicieux, ce thriller signé Michael Ritchie tenait ses promesses en 1972 et n’a pas vraiment pâli depuis.

« Prime Cut » a fini par débouler dans les bacs des soldeurs (dernière étape commerciale avant le néant pour un film), dix ans après sa sortie DVD. C’est une chance pour ceux qui ne l’ont pas encore vu.

Le film débute par la vision quasi documentaire d’une chaîne d’abattage par nature assez pauvre en ingrédients poétiques et enchaîne sur un bar de Chicago ou un homme, Nick Devlin, va être chargé de récupérer la fameuse somme d’argent due par Mary Ann dans les plaines entourant Kansas City. Cet homme c’est Lee Marvin, sommet de virilité et de sobriété. L’autre c’est Gene Hackman.

Il en va ainsi de certaines réalisations où dès le départ cela fonctionne et l’on présume avec bonheur que cela va continuer.

Avant le « carnage » (par ailleurs le titre du film pour la sortie française) qui s’annonce, il y a cette superbe et bien heureusement longue séquence d’une limousine noire fonçant la nuit vers le cœur rural des Etats-Unis, avec à son bord Nick Devlin et ses sbires. La bande-son qui les accompagne est une longue mélodie sifflée, propice aux veilles de tragédie et qui nous rappelle certains westerns modernes de cette époque.

Quand Lee Marvin débarque chez Mary Ann (Gene Hackman donc), c’est selon toute apparence, au milieu d’une foire privée aux bestiaux. Mais les bêtes sont en fait des jeunes filles que le tout à fait trivial Mary Ann vend au kilo, parallèlement à son bétail à cornes. Nous sommes là au fin fond d’un film bien raide, au milieu d’habitants du Kansas pas vraiment mis en valeur par le réalisateur. Quelques échanges bien crus entre Nick Devlin et Mary Ann précéderont la folle tuerie à venir.

Image extraite de "Prime cut". Photo: LSDP

Image extraite de « Prime cut ». Photo: LSDP

Ce polar infernal étale des scènes majeures les unes derrière les autres comme cette moissonneuse batteuse conduite par un gamin poursuivant Lee Marvin et et Sissy Spacek à travers les champs de blés. C’est tout un carrefour de références cinématographiques passées et à venir qui se matérialise ici. Un vrai jeu pour cinéphiles.

Du début jusqu’à la fin, le personnage de Lee Marvin est en costume clair, mocassins blancs et cravate. C’est le gangster impeccable dans toute sa splendeur y compris dans ses réflexes de moralité qu’il manifeste au milieu de la fange. Impossible dès lors de ne pas penser au film de Yves Boisset, « Canicule », sorti douze ans plus tard, avec Lee Marvin, dans un thriller déjanté au milieu des plaines à blé françaises et de paysans dégénérés.

De l’avis de Jean-Pierre Dionnet ciné-critique qui s’exprime dans le supplément du DVD, ce film qui réunit deux anciens « marines » dans les les rôles principaux, est l’un des meilleurs de Michael Ritchie.

Cru, beau, parfois désarticulé, « Prime Cut » (littéralement un morceau de choix)  n’a pas la constitution sans faute du film « The Getaway » de Sam Peckinpah sorti la même année avec Steve McQueen et Ali McGraw dans les principaux rôles, mais il emprunte aux mêmes codes, propres à certains réalisateurs des années soixante dix.

Gangsters, armes, violence, sexe, grosses bagnoles, le cocktail se reboit d’un trait.

PHB

Image extraite de "Prime cut". Photo: LSDP

Image extraite de « Prime cut ». Photo: LSDP

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