Haute concentration spirituelle au musée Dapper

Masque africain. Musée Dapper. Photo: PHB/LSDPSimple et beau à la fois, ce masque Fang vient d’Afrique de l’ouest. Il est l’une des pièces que le musée Dapper est allé chercher dans ses fonds et collections sans plus se soucier d’y adjoindre une thématique. Non, ce parfait musée situé en marge de l’avenue Victor Hugo, a choisi d’exhiber ses meilleurs éléments et le succès sera sûrement au rendez-vous, compte tenu de la stabilité de sa qualité scénographique.

En Afrique, apprend-on exposition après exposition et sans oublier celles du musée du quai Branly, on n’a pas trop le souci du carnaval pour le carnaval et, l’incroyable richesse statuaire de ce continent est là pour signifier beaucoup de choses comme initier des adolescents, parler avec l’au-delà, joindre les ancêtres, conjurer le mauvais sort, s’approprier la force d’un chef en s’asseyant sur son siège, amadouer les fantômes, employer des commissionnaires et autre intercesseurs afin, globalement, de maintenir le contact avec l’univers des esprits.

C’est face à cette dernière exposition organisée par le musée Dapper que l’on se rend mieux compte de tout ce qui nous manque ou de tout ce que l’on a perdu. Comment fait-on nous, européens pour parler à nos ancêtres, conjurer un contrôle fiscal, éloigner un opérateur télécom, adoucir un voisin ou démarabouter tel jeune convaincu de son salut dans le djihad ? L’église et ses saints étant un peu saturés ou ignorés, il nous manque les masques, totems et autres figures sculptées qui, en Afrique, servent autant le but en lui-même que leur présence exutoire qui fait déjà du bien.

Tête abusua Kuruwa (Ghana). Photo: PHB/LSDP

Tête Abusua Kuruwa (Ghana). Photo: PHB/LSDP

On peut aussi se borner à les regarder sans se munir du matériel audio-phonique fourni par l’établissement. Si l’on s’abstient également de se renseigner à partir des notices qui les accompagnent, il est possible de profiter de tout leur mystère quelque peu lunaire ou de l’effroi qu’ils suscitent encore, à deux pas de l’Etoile et des milliers de kilomètres qui les séparent de leur pays d’origine.

Celui-là est en terre cuite et vient du Ghana, son regard est tourné vers un ailleurs que nous ignorons sur le même principe que la majeure partie des gens préfèrent admirer le soleil à l’horizon plutôt que ce qu’il éclaire derrière nous. Pas étonnant que Picasso ait puisé dans ce monde une partie de son inspiration artistique dans un dévoiement remarquable.

Les spots lumineux qui se reflètent dans les vitrines de certaines pièces recréent sans préméditation probable un environnement nocturne tout autant que magique autour de ces figures vouées à des rituels morbides. Ce dernier se voulait tellement effrayant que la notice précise que l’on ne peut même pas le porter sur la tête. Issu de la confrérie Bwanga (Cameroun), celle de la nuit, il a pour fonction de « disposer des corps des suicidés », des « mauvais morts », d’infliger la peine capitale aux condamnés, de « traiter le lieu d’un  meurtre ou d’un accident ». Ce masque « Troh » a été chargé de « puissance » par un expert, afin de jouer son rôle lors d’un événement funeste.

Cette réunion de formes, cette concentration artificielle d’éléments à haute teneur spirituelle, ne peut qu’ébranler le visiteur s’il n’est pas trop possédé par sa propre oisiveté qui le protège de tout y compris de l’instruction, même lorsqu’elle se présente aussi fortement.

PHB

Musée Dapper, 35  bis rue Paul Valéry (75016) jusqu’au 17 juillet 2016

Masque "troh". Musée Dapper. Photo: PHB/LSDP

Masque « Troh ». Musée Dapper. Photo: PHB/LSDP

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Une réponse à Haute concentration spirituelle au musée Dapper

  1. person philippe dit :

    Au Musée Dapper, il y a un supplément d’âme qui manquera toujours au Musée du Quai Branly… Ici, on aime l’Afrique…

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