La manufacture de céramiques Zsolnay, autrefois fleuron mondial

Céramiques de Zsolnay, collection Gyugyi. Photo: Lottie BrickertZsolnay? Ce nom n’est plus connu que d’un petit nombre d’amateurs de céramiques Art nouveau. Et pourtant, la manufacture de céramiques Zsolnay a connu un âge d’or entre 1874 et 1914. Elle exportait alors ses produits dans le monde entier.

C’est à Pécs, dans le Sud de la Hongrie, près de la frontière croate, qu’une usine de céramiques voit le jour en 1853. Dix ans plus tard, Vilmos Zsolnay, le fils du fondateur, en prend la direction. Ce visionnaire de génie et infatigable expérimentateur, transformera la petite unité de production familiale en une importante manufacture. Et pas n’importe laquelle. Grâce à la qualité de ses pièces artistiques, le nom de Zsolnay sera très rapidement associé au fleuron mondial de la céramique à côté de celui de Sèvres, de l’alsacien Théodore Deck ou de l’anglais Minton.

La beauté des pièces et la délicatesse des matériaux résultent d’une haute maîtrise. Ils ne peuvent être séparés des expériences menées avec succès par Vilmos Zsolnay sur les glaçures et les techniques d’émaillage. C’est en 1874, lors de l’exposition universelle de Vienne, que la manufacture a commencé à faire parler d’elle et à acquérir une clientèle mondiale. Lors de l’Exposition Universelle de Paris en 1878, Vilmos Zsolnay obtient une médaille d’or et la légion d’honneur pour sa première grande invention : l’éosine. Ce vernis donne à la faïence de porcelaine un aspect, inédit alors, de lustre métallique irisé de couleurs. Par la suite, la manufacture remporte des prix lors de la plupart des expositions internationales. Elle est à nouveau couronnée à l’exposition universelle de Paris en 1900 et conquiert le marché mondial par ses innovations et son sens aigu des motifs.

Céramiques de Zsolnay, collection Gyugyi. Photo: Lottie Brickert

Céramiques de Zsolnay, collection Gyugyi. Photo: Lottie Brickert

Après 1914, la manufacture connaît des vicissitudes directement liées à l’Histoire et aux grands événements mondiaux. La dislocation de l’Autriche-Hongrie partagée entre sept Etats à la fin de la Première guerre mondiale, la crise économique des années 1930 et la Seconde guerre mondiale notamment, mettent la manufacture en difficulté. Malgré les obstacles, elle réussit à subsister. Pendant la Deuxième guerre, elle continue même à fabriquer, à petite échelle, certes, des produits de qualité.

On aurait pu penser qu’après la guerre, la manufacture regagnerait petit à petit son lustre d’autrefois. C’était sans compter sur sa nationalisation en 1948. Cette dernière a signé la mort de sa branche artistique. Dans les jours qui ont suivi, des membres du Parti ont exigé la destruction de toutes les pièces artistiques et de tous les moules pour les fabriquer. Ils disaient qu’il fallait mettre fin à l’esprit bourgeois. Quant à la collection personnelle de la famille, elle a été donnée en cadeau à des visiteurs prestigieux. Margit Zsolnay, la petite-fille du fondateur, a été incarcérée dans une prison pendant un an, après une dénonciation calomnieuse. Puis elle trouvé refuge chez une ancienne domestique. Dirigée par des membres du Parti, l’usine s’est alors diversifiée sans grand succès pour produire des matériaux isolants et de construction.

Lustre conféré par l'éosine. Photo: Lottie Brickert

Lustre conféré par l’éosine. Photo: Lottie Brickert

Dans les années 1960, la manufacture a recommencé à produire des pièces décoratives et la direction a été déléguée à des experts techniques. Elle est toujours en activité aujourd’hui mais n’a pas retrouvé son rayonnement passé.

Juste retour des choses ! En 2010, la ville de Pécs a été désignée capitale européenne de la culture. A cette occasion, le site de la manufacture a été rénové et transformé en centre culturel. La maison de la famille Zsolnay, attenant à l’usine, a été restaurée et abrite désormais le musée éponyme. On peut notamment y admirer la plus importante collection de céramiques artistiques de Zsolnay du monde, la collection Gyugyi qui rassemble 600 chefs-d’œuvre. Elle a été donnée par le Dr. László Gyugyi, un ingénieur à la retraite, né en Hongrie en 1933, qui a quitté le pays en 1956 et vit désormais à Pittsburgh, aux Etats-Unis. Il a constitué sa collection au fil du temps en rachetant lors d’enchères publiques des céramiques artistiques Zsolnay de la grande époque avec une prépondérance Art nouveau.

Pécs n’est qu’à trois heures de train de Budapest (deux heures en voiture). On ne saurait que recommander la visite de la manufacture Zsolnay et de la collection Gyugyi. Par ailleurs, Pécs, la plus ottomane des cités de Hongrie, est une belle ville qui regorge de monuments et de musées. Elle mérite qu’on s’y attarde un long week-end.

Lottie Brickert

Site de la manufacture de Zsolnay. Photo: Lottie Brickert

Site de la manufacture de Zsolnay. Photo: Lottie Brickert

 

 

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4 réponses à La manufacture de céramiques Zsolnay, autrefois fleuron mondial

  1. Monika Rusz dit :

    Un très bon article: centré sur l’essentiel. On a même envie de voir plus de photos illustrant tes propos. Encore une fois, merci de ta générosié à partager ce que tu as vu à Pécs.

  2. Steven dit :

    Inattendu, merci. S.

  3. Raymond dit :

    Article bien intéressant ! On pourrait ajouter que la manufacture de Pécs produisait également des carreaux et des tuiles polychromes vernissées, caractéristiques de certains bâtiments hongrois.
    Merci à Lottie de nous apprendre également que l’éosine a été découverte en Hongrie : familière de nos armoires à pharmacie , nous connaissons ses propriétés désinfectantes en solution très fortement diluée. Il ne s’agit pourtant qu’une de ses applications mineures, les principales résultant de ses propriétés d’acide coloré : utilisation en microbiologie cellulaire comme traceur de cellules, bactéries, fibres musculaires et autres organismes basiques, utilisation en géologie comme traceur permettant de confirmer l’existence de failles souterraines.
    Vilmos Szolnay, découvreur de l’éosine, portait un nom quasi prédestiné, l’éosine de nos armoires à pharmacie étant notamment commercialisée par le groupe… Solvay

  4. Ping : Budapest: un dimanche aux bains Gellert – Jour 3 ( 2/…) – Francette's blog

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