Des lignes droites offertes au sol à la courbure donnée par les danseurs, il n’y a qu’un pas. C’est ainsi que l’on pénètre dans la valse continue du couple à la vie – à la scène composé par Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault pour leur dernier spectacle « Je t’ai rencontré par hasard ». De ce deux, on a d’emblée envie d’en faire un trois, car ce serait faire offense au pianiste et compositeur Yannaël Quennel de ne pas le compter tant l’empreinte de son ouverture reste vivace et sa partition durant le spectacle très juste.
Il choisit de leur rendre hommage par ses compositions, hommage rendu en lui offrant une première partie intimiste. Quant à nos deux danseurs, ils se prêtent à une mise en scène davantage épurée que celle à laquelle l’on s’était familiarisés en 2014. Par là, ils réussissent à transmettre une émotion, la leur, empruntant la trajectoire amoureuse qui les unit au gré de la déclinaison des tableaux.
En couple depuis une quinzaine d’années – si l’on en suit les ragots du net – M.C Pietragalla et J. Derouault ont à leur actif conjugal une vingtaine de ballets, spécifiquement sous la signature du Théâtre du corps, compagnie qu’ils fondent en 2004. C’est un autre tournant donné à la carrière de l’Etoile nommée en 1990 par Patrick Dupond à l’Opéra de Paris, qui choisit la voie que certains nommeraient dissidente en s’affranchissant du classique – lui rendant pourtant la juste place qu’il peut occuper dans ses créations.
Vierge des derniers télé-crochets à la mode où il arrive à « Pietra » de se produire, c’est avec un regard toujours captif que nous suivons les chorégraphies de ces deux figures de la danse contemporaine (dans sa double acception). Lors de leur spectacle, la précision, la coordination et la beauté nous font perdre de vue, seulement dans ce temps borné hélas( !), les limites du corps qui font ordinairement obstacles. « Je t’ai rencontré par hasard » se place dans cette série. Et c’est sous l’angle des scénarios qui font le lit de la vie maritale que le duo s’expose à l’unisson, à défaut de ne faire qu’un – ce que l’on peut se surprendre à souhaiter lorsque notre imagination se met aux commandes.
Un peu voyeur de flirter avec cette intimité si souvent masquée ? Sûrement, mais si nous sommes convoqués à cette place si fréquemment c’est que nous allons certainement y puiser quelque fécondité. Et les modes de représentation se déclinent à l’envi. Danser l’amour ne date pas d’aujourd’hui mais la danse contemporaine appliquée au quotidien de l’intime revêt une tonalité novatrice.
… Alors, faut-il continuer à mettre en mots ce qui ne peut parfois trouver à se dire qu’au travers des tours et des détours du corps ? On regrettera que les quinze jours de représentations parisiennes aient déjà pris fin, mais l’on se réjouira qu’ils laissent place à une tournée provinciale, pour un dernier levé de rideau inattendu à Paris fin octobre répondant à l’enthousiasme suscité.
Célia Breton