Artistes en « sous-sol » à Sainte-Anne

René Héroult. Vue de la plage, détail. Photo: PHB/LSDPOn a écrit de René Héroult qu’il était atteint « d’une affection chronique à marche lente avec inactivité, désintérêt total, vagues d’idées délirantes, d’influence« . Complètement « inapte à la vie sociale« , René Héroult était probablement schizophrénique. Si elles ne reflètent pas forcément sa maladie, ses oeuvres présentées à l’hôpital Sainte-Anne dans le cadre de l’exposition « Brut et Joli », se distinguent par leur qualité, notamment dans les cadrages et son utilisation sensible de la couleur.

(Ci contre: En vue de la plage, détail. René Héroult, photo: PHB/LSDP)

Marié, père de un enfant, il entre à l’hôpital Sainte-Anne en 1943 puis à Auxerre  en 1949 où l’on a perdu sa trace. Mais ses peintures sont restées à Sainte-Anne tout comme celles d’autres patients. Le fonds de l’hôpital comporte plusieurs dizaines de milliers d’œuvres, numérotées et archivées.

La première exposition ouverte au grand public eut lieu en 1946 dans la lignée nous est-on expliqué, « de l’intérêt que les surréalistes avec André Breton, ont porté aux productions artistiques des malades mentaux« . Les réalisations étaient présentées avec la dénomination de la maladie de l’auteur et ce n’est que plus tard que cette mention a été supprimée au profit de son nom. D’autres expositions se sont succédé par ailleurs mais avec un objectif scientifique lié aux études des pathologies et donc réservées aux professionnels.

Depuis 1994, la situation a évolué avec non seulement une volonté d’ouverture au public mais aussi à des artistes « normaux » tels Annette Messager ou Martial Raysse inscrits dans l’exposition en cours. Comme l’espace muséal en sous-sol, est assez étroit, cette dernière option peut être discutée eu égard au volume des œuvres internes conservé à l’hôpital.

Affiche de l'exposition "Brut et Joli". Photo: PHB/LSDP

Affiche de l’exposition « Brut et Joli ». Photo: PHB/LSDP

Les peintures et dessins qui sont actuellement présentés sont touchants et n’expriment pas automatiquement des désordres intérieurs mais davantage un souhait de réparation ou une projection d’un besoin. C’est bien vrai dans le cas René Héroult, ça l’est également dans celui de Maurice Blin qui après une vie quelque peu dissolue dans les bars et maisons de passe de Montmartre commence à fréquenter l’hôpital Sainte-Anne en 1935 pour finalement y devenir pensionnaire, tel un résident permanent, avant d’y mourir en 1980 à l’âge de 87 ans.

Que pouvait être une vie ou une partie d’une vie à Sainte-Anne? L’établissement a été voulu par Anne d’Autriche mais c’est Napoléon III qui lui a conféré sa destination psychiatrique. Aujourd’hui on y soigne les maladies neurologiques au sens large. Comme nombre de grands hôpitaux à Paris, c’est une ville dans la ville. Ses allées sont jolies, bordées d’arbres et de bâtiments anciens. Pour les patients que le monde extérieur angoisse, il est possible d’y déambuler avec plaisir sur environ treize hectares. Et pour ceux du monde extérieur justement, les névrosés ordinaires, il est loisible de découvrir ce bel endroit à l’occasion de cette exposition qui se conclura le 18 décembre. On y entre par le 1, rue Cabanis, le musée se trouve alors sur la droite au niveau du court de tennis.

PHB

"Vue de la Plage". René Héroult. Exposition "Brut et Joli". Photo: PHB/LSDP

« En vue de la Plage ». René Héroult. Photo: PHB/LSDP

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3 réponses à Artistes en « sous-sol » à Sainte-Anne

  1. philippe person dit :

    Un nouveau grand « Merci, Philippe »…
    En complément, sur l’art brut (mais pas fait par des brutes), je vous conseille de jeter un coup d’oeil sur le joli film, que l’on trouve en dvd, « André et les Martiens » de Philippe Lespinasse. Il y a là matière à s’interroger sur ce qu’est l’impérieuse nécessité de créer chez l’homme, quel que soit son rapport mental au monde…
    Si on se procure le dvd, on trouvera dans le livret un de mes textes, où, je fais l’hypothèse (farfelue ?), que les peintres de Lascaux et cie étaient les ancêtres de ceux qu’on range opportunément dans la catégorie de l’art brut…

    • Bertrand Marie Flourez dit :

      « brut » oui, comme le champagne peut être « brut »… donc intentionnel.

  2. Isabelle Fauvel dit :

    Il y a quelques années, j’avais pu voir une magnifique exposition d’artistes patients de l’hôpital Sainte-Anne au Musée Singer Polignac. L’émotion était doublement au rendez-vous. La beauté des oeuvres et l’histoire de leurs auteurs nous touchaient droit au coeur.

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