Frères Jacques dormez-vous ?

Transistor Radiola. Années cinquante. Photo: PHB/LSDPCe devait être au début des années 70. J’ignorais tout du Rock, du Pop, des Pink-Floyd ou des Rolling Stone, je dévorais Brel, et me baignais dans du Nougaro. A quinze ans, je découvrais Trenet. Johnny ou Sylvie  Vartan me laissaient indifférent, j’allais faire partie de ce petit club de guère plus d’une trentaine de spectateurs qui dans une arrière salle d’une MJC,  allait me faire embarquer par une pute dans le port  d’Ostende avec Jean Roger Caussimon ou partir me saouler avec Jacques Debronckart en Adélaïde. Même Trenet ne valait plus alors qu’une arrière-pelouse à la fête de l’Huma. Et pourtant quel concert !

Que sont devenus tous ces chanteurs nés de la juste après guerre et qui portaient dans leurs musettes de sacrés chansons signées Prévert, Aragon ou Bernard Dimey ? Montand jouait à faire son cinéma, je me rappelle d’un récital qu’il donna en soutien au peuple Chilien en 73 que j’écoutais  sur mon transistor. Léo Ferré criait sa révolte : « Espèce de conne! Et barre-toi! Te marie pas! Tu peux tout faire: T’empaqueter dans le désordre, pour l’honneur, pour la conservation du titre… Le désordre, c’est l’ordre moins le pouvoir! » Mouloudji cherche sa voix dans Saint-Michel. Quant à Patachou  ou Cora Vaucaire, les gardiennes du temple,  elles se réfugiaient dans le dernier carré, celui que forme la place du Tertre.

Et puis il y avait les Frères Jacques, ils comptaient deux véritables frères (André et Georges Bellec) et deux faux (François Soubeyran et Paul Tourenne). Le nom Frères Jacques était né de l’expression « Faire le Jacques » (faire l’imbécile). Les Frères Jacques c’était une manière jamais égalée de mettre en scène la chanson. C’était aussi une tenue de scène impossible, collants noirs, justaucorps de couleurs différentes, vert pour André Bellec, jaune pour Georges, rouge pour François Soubeyran, bleu pour Paul Tourenne, gants blancs et chapeaux haut-de-forme. A leur répertoire, il y avait Boris Vian, Prévert. Il fallait voir la Marie-Josèphe en pleine tempête à fond de port, ou la queue du chat, tache blanche sur fond noir.

Les Frères Jacques. Mur d'images Google

Les Frères Jacques. Mur d’images Google

En 1976, ils interprètent leur sept millième récital. Trois ans plus tard, ils entament une tournée d’adieux qui s’achèvera en 1983. Le rideau tombe, alors qu’au Printemps de Bourges Trenet fait un triomphe. François Soubeyran est mort le 21 octobre 2002, André Bellec est décédé le 3 octobre 2008 et son frère Georges s’éteint le 13 décembre 2012. Paul Tourenne, les a rejoint dans la nuit à Montréal où il résidait depuis une dizaine d’années. Il avait 93 ans.

Bruno Sillard

 

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3 réponses à Frères Jacques dormez-vous ?

  1. philippe person dit :

    Vous auriez pu aussi citer Maurice Fanon… Henri Tachan… Giani Esposito…
    Pour les Frères Jacques, je me souviens d’une chanson pas très connue de Trenet qu’ils chantaient : Papa peint dans les bois… Un de ces trésors inconnus de la chanson française… :
     » Papa peint dans les bois… Papa boit dans les pins… »

    • Bruno Sillard dit :

      Et justement je les avais mis, mais en final le texte aurait fait trop catalogue. Cela m’ a fait regretter mon tas de 33 tours. Cela dit j’ai réécouté les clowns d’Esposito, quelle force! Et une chanson de Gorges Dore, la Manic, elle me fait pleurer et je ne sais pas pourquoi?

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