Carmona, la belle andalouse

A 38 km à l’est de Séville, Carmona, une petite ville de 28 000 habitants, est souvent négligée par les touristes. Assise sur une colline, elle ne manque pourtant pas de charme avec ses maisons blanches blotties au pied de son alcazar de pierre dorée, ses demeures aristocratiques et ses nombreux édifices religieux. La beauté de la ville, l’animation de ses rues, les points de vue spectaculaires qu’offrent ses deux alcazars médiévaux suffiraient à faire de Carmona un lieu de visite agréable. Son attrait ne s’arrête pas là. Carmona, qui a hérité d’un passé particulièrement riche, présente également de nombreux intérêts historiques.
La cité ibérique a longtemps été occupée par les Romains. Située sur un promontoire, elle permettait de surveiller les routes et les vastes domaines agricoles installés dans la plaine très fertile. Carmona avait même le privilège de battre sa propre monnaie. De nombreux monuments de même que son plan urbain datent de cette période. Pendant l’occupation arabe de l’Andalousie, l’importance de Carmona n’a pas faibli. Carmona est d’ailleurs devenue la capitale d’un royaume musulman indépendant, un Taifa, après la dissolution du califat de Cordoue en 1031. Lors de la reconquête, elle est retombée dans le giron espagnol en 1247. Pour marquer la suprématie de la chrétienté, elle s’est alors parée de nombreux monastères et églises, quelquefois bâtis sur les bases d’anciennes mosquées à l’instar de l’église Santa Maria.

Malgré sa petite taille, Carmona abrite donc un grand nombre de monuments emblématiques de l’Histoire de l’Andalousie. Ainsi la grande nécropole romaine, située à l’entrée de la ville moderne, qui témoigne de l’importance de Carmona dès cette époque. C’est à la fin du XIXe siècle, que des tombes romaines ont été découvertes sous l’ancienne voie romaine menant à Carmona. Les excavations, qui ont continué au début du XXe siècle, ont permis de mettre à jour 900 tombes, plus ou moins fastueuses, datant du IIe siècle avant J.C. au IV siècle ap. J. C. Le site se visite.

Ruelle de Carmona. Photo: Lottie Brickert

La vieille ville, à 20 minutes de marche de la nécropole, porte elle aussi de nombreuses traces de l’occupation romaine. C’est d’ailleurs une porte au cadre romain, la porte de Séville, qu’on franchit pour traverser l’enceinte fortifiée et pénétrer dans la citadelle. On débouche sur l’Alcazar de bajo (du bas), érigé par les arabes sur le promontoire romain et restauré au XVIIIe siècle. Des escaliers étroits permettent de se hisser sur la muraille et au sommet de la tour de guet d’où la vue sur les maisons blanches, les clochers des églises et la campagne est saisissante. Pour preuve, des mariés chinois, entourés de leur armée de photographes, utilisent souvent le cadre de l’Alcazar pour pimenter d’un zeste andalou le souvenir de leur union. L’autre forteresse, l’Alcazar de Don Pedro ou Alcazar de arriba (du haut) est située à l’est de la vieille ville. Cet ancien palais remarquable était celui du roi de Castille Pierre le Cruel (XIVe s.). Il a été transformé en un luxueux hôtel Parador, accroché à la colline. Il n’est pas ouvert au public. En se faisant discret, il est possible de traverser ses salons en catimini pour gagner la terrasse qui offre un panoramique à perte de vue sur la plaine environnante.

L’élégante place San Fernando constitue le cœur vibrant de Carmona. Place ronde, plantée d’orangers et de palmiers, elle a été aménagée sur l’ancien forum romain. Aujourd’hui, elle est bordée de commerces, restaurants et de quelques belles demeures avec arcades et azulejos de style renaissance ou mudéjare (un style spécifique à l’Andalousie influencé par l’art mozarabe). Terrain de jeu des enfants, aire de repos des promeneurs qui viennent bavarder sur ses bancs, elle est le lieu de passage obligé de Carmona. De là, des ruelles étroites et tortueuses partent dans toutes les directions pour parcourir la ville.
Si les églises et couvents prospèrent à Carmona, le couvent Santa Clara a acquis une certaine célébrité dans la région. Les petits gâteaux de tradition mauresque confectionnés avec amour par les quinze nonnes qui y vivent sont considérés comme le saint des saints des pâtisseries conventuelles, une tradition andalouse. Stockés dans une grande vitrine à l’instar des statues de la vierge sur le même mur, ils sont vendus sur place. Le palais français qui y a goûté – habitué, il est vrai, aux délicieux bredala alsaciens – n’en est pas tombé en béatitude et s’est même fait sa petite idée sur l’origine de l’expression « étouffe-chrétien ». Mais qu’importe, arrêtons là les querelles de clocher. Les sœurs sont souriantes et l’architecture du couvent qui date du XVe siècle avec son beau cloitre mudéjare et son église chargée d’or lui vaut bien son odeur de sainteté.

Il est difficile de conclure la visite de Carmona sans parler des fêtes religieuses qui y sont célébrées chaque année. Parmi les plus connues, la Semaine sainte, le Corpus Christi ou la fête des mayas, un corso fleuri religieux. A cette occasion des statues du Christ, réalisées par des sculpteurs célèbres du XVIe au XVIIIe siècle, quittent leurs églises respectives pour être paradées dans les rues étroites de Carmona. Les processions sont suivies avec ferveur par une foule compacte rendant les voies du Seigneur vraiment impénétrables.

Lottie Brickert

Vue de Carmona depuis l’alcazar de bajo. Photo: Lottie Brickert

Hôtel Parador (alcazar san Pedro) Carmona. Photo: Lottie Brickert

 

Print Friendly, PDF & Email
N'hésitez pas à partager
Ce contenu a été publié dans Histoire, Surprises urbaines. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

6 réponses à Carmona, la belle andalouse

  1. Bruno Sillard dit :

    Si je ne me trompe, Carmona, se trouve sur la route des villages blancs andalous, entre Séville et Ronda, une région magnifique, sauvage on doit être dans les contreforts de la Sierra Nevada. De cette même route , profitez des parkings voitures pour entrevoir les forêts, un relief hallucinatoire. Les Paradores espagnols sont une invention de L’Espagne franquiste, des années 60 à la fois pour répondre aux exigences du tourisme haut de gamme et de réhabiliter les châteaux et autres belles demeures à moindre prix. Les châteaux en Espagne ne sont pas que des rêves. Il est très facile de rentrer dans un Parador, comme dans n’importe quel palace. Il suffit de passer l’accueil d’un pas assuré. Après Ronda, et sa plus ancienne Plaza de Toros, cap sur Grenade, son palais et jardin magnifique … mais réserver avant de partir.

  2. Lottie dit :

    Bonjour Bruno,
    Merci de votre commentaire. La route des villages blancs se trouve tout au sud de l’Andalousie, entre Ronda et Algesiras. Carmona, toute blanche et belle elle aussi, est située beaucoup plus au nord de l’Andalousie, à hauteur de Séville. C’est sans doute la raison pour laquelle elle est beaucoup moins visitée que les villages blancs du sud. Et c’est tant mieux !
    Quant aux hôtels Parador, j’ignorais qu’ils étaient une invention de l’Espagne franquiste. Au moins une bonne chose au bilan de Franco !

  3. Raymond dit :

    Une belle invitation à la découverte de la discrète Carmona,… et à suivre la guide Lottie pour ses ses fines anecdotes et ses clins d’oeil humoristiques.

  4. Isabel dit :

    Merci beaucoup pour vote recit sur Carmona. Je suis nee a cette Ville et je suis prie aussi d,elle.

  5. Merci beaucoup Monsieur Brickert pour votre article et nous sommes trés contentes de que vous avez trouvée notre ville si belle.
    Nous allons partager votre article sur nos réseaux sociaux et nous espérons que ceux qui lisent sont encouragés à nous rendre visite à l’avenir.
    Merci encore et nous espérons que vous nous faites une prochaine visite.
    Office du Tourisme de Carmona

    • lottie dit :

      Merci de votre accueil dans la belle ville de Carmona aux intérêts historiques si nombreux.
      Lottie Brickert

Les commentaires sont fermés.