Case prison pour la bibliothèque de Coulommiers

C’est que l’on appelle un (beau) changement de destination. L’ancienne maison d’arrêt de Coulommiers (Seine-et-Marne) a été transformée en bibliothèque municipale et fonctionne en tant que telle depuis juillet 2003. Une transformation d’autant plus réussie que le cabinet d’architecte (Béatrice Julien et Pierre Gory) chargé de l’opération a non seulement su préserver l’histoire du bâtiment (classé il est vrai) mais en a remarquablement tiré parti. Elle avait été construite en 1851 sur le même modèle que celles de Meaux ou de Fontainebleau. Elle fait 28 mètres de long sur 16 de large sur une hauteur de quatre niveaux. Sa structure interne en double abside rappelant l’architecture religieuse était censée favoriser la rédemption des prisonniers. Ses locataires ne s’y attardaient pas puisque les grandes peines étaient transférées sur Meaux. Les derniers détenus sont partis en 1958. L’ensemble a brièvement servi à accueillir des jeunes délinquants en déshérence avant que les cinéastes et autres réalisateurs de clips n’y exploitent un décor idéal. Et puis la municipalité, aidée par les collectivités territoriales et l’État, a finalement décidé d’en faire un lieu culturel.

Son enceinte et sa promenade sont telles qu’auparavant. À un plafond près, l’organisation intérieure qui comportait 33 cellules et même un autel pour dire la messe chaque semaine, est intacte. A chaque ancienne cellule correspond une section de lecture (policiers, littérature, poésie, histoire, art…) de la bibliothèque. Il y a les escaliers et il y a les coursives. La disposition générale faite pour favoriser la nécessité d’une surveillance tatillonne est devenue naturellement obsolète. Le bruit des trousseaux de clé ne fait plus écho. Le calme est total et la luminosité idéale: cette ancienne prison est devenue un écrin où seul le divertissement intellectuel a droit de cité. Aucune erreur de goût n’est à relever. Le Parisien constamment traité aux ruptures de style et aux réinventions joyeuses a de quoi jalouser les Columériens.

Vue générale de l’intérieur

C’est drôle de voir qu’une ancienne prison a été réaffectée en bibliothèque dans une époque où l’on met trop de gens en détention trop longtemps et que chacun s’accorde à dire qu’il faudrait plus de places dans un contexte honteux de surpopulation carcérale. Il ne manquerait plus que l’on transforme d’actuelles bibliothèques en lieux d’enfermement mais ne rions pas cela pourrait bien venir un jour. L’histoire a connu des détournements d’usage au moins aussi surprenants. Telle cette ancienne prison pour femmes à Strasbourg, occupée depuis le début des années quatre-vingt-dix par l’ENA.

En tout cas le motif est suffisant pour justifier un déplacement à Coulommiers, auquel on pourrait d’ailleurs ajouter la visite du parc des Capucins, havre de paix des plus recommandables dû à Catherine de Gonzague autrement appelée Princesse de Clèves voire duchesse de Longueville. Il faut prendre un des ces Transiliens tout neufs qui vous emmène sur place au bout d’une heure de trajet. Une balade à pied facile vers le centre ville vous conduira au seuil de la bibliothèque. Il y a longtemps, apercevoir l’entrée de cette bâtisse en meulière venait confirmer au visiteur menotté qu’il avait bien fait une bêtise. Aujourd’hui c’est tout le contraire, on y entre et on en ressort le cœur léger.

PHB

Bibliothèque municipale de Coulommiers, du mardi au samedi

La « cellule » comportant le rayon poésie

 

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Une réponse à Case prison pour la bibliothèque de Coulommiers

  1. C’est un véritable conte de fées! Merci à vous Philippe pour cet article qui, comme toujours (je pense en particulier au précédent), est une belle surprise.

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