Première tentative de départ au zoo du bois de Vincennes

Dans leur enclos, les babouins ne ruminent pas leur défaite mais savourent la réussite de leur escapade. À les voir gratter la terre au pied de l’enceinte en béton, il n’est pas impossible qu’ils envisagent désormais l’éventualité de creuser un tunnel. Il y a quelques jours, ils se sont fait la belle, obligeant le personnel du Parc Zoologique de Paris à évacuer les promeneurs lesquels justement, étaient venus se payer un après-midi d’évasion. Une prouesse d’économie circulaire qui engageait à redécouvrir cette ménagerie à ciel ouvert,  fraîchement remaniée.

Pour les anciens, le site est encore le zoo de Vincennes. La ville de Paris se l’est réapproprié en insistant sur l’appellation d’origine contrôlée. Les 14 hectares ont été entièrement redessinés avec un goût certain. Du côté des pièces d’eau, avec la végétation, l’on pourrait se croire en Baie de Somme. Les inconvénients relevés par les premiers visiteurs n’ont pas été corrigés. Les aîtres donnent parfois l’impression d’avoir été désertés par les animaux. Le jeu consiste à retrouver le puma qui se planque, à l’abri des regards, pour mieux dormir. Le confort des bêtes a été recherché avec la possibilité de se mettre à l’abri des regards. Tant mieux pour elles et dommage aussi pour les familles qui ont payé très cher leur droit d’entrée. Quand elles arrivent au guichet avec des enfants déjà surexcités, il est difficile de renoncer. Si de surcroît les cages sont vides, la déception vire à l’amertume.

Mais la balade est jolie. Il y a  de grandes vitres qui permettent d’observer toute cette faune exotique sous différents angles. Et le jeu de miroirs obtenu crée parfois l’illusion que les visiteurs et les visités ne sont pas ceux que l’on croit. Cependant que les premiers scrutent toujours alors que généralement, les animaux ont dans le regard cette indifférence universelle des captifs. Là pour être vus, ils se doivent de jouer un rôle que manifestement ils ne comprennent pas. Ce ne sont plus que des figurants qui bougent sans but, las et résignés. La plupart n’ont pourtant jamais connu la liberté. Ils n’ont pas été prélevés. Nés en captivités sur place ou dans d’autres zoos, ils ont simplement été transférés au gré des besoins, ainsi que l’expliquent les panneaux. Ce lundi 30 janvier, le loup ibérique n’est pas là. Un petit mot à proximité du grillage explique qu’il est actuellement soigné pour une blessure au dos.

L’une des grandes réussites de ce zoo remis au goût du jour il y a près de trois ans après de longs travaux, c’est sa volière. Car on peut y pénétrer pour profiter d’une proximité inédite avec les oiseaux. Chaque catégorie se regroupe par affinités. Certains sont mutiques, perchés sur des branches d’arbres morts. Posant comme des vautours digérant une charogne, ils évacuent de temps un temps un guano avec une désinvolture teintée de dédain. Les plus loquaces sont (sauf erreur) les flamands. Roses ou blancs, ils ont l’air de suivre un leader qu’ils approuvent à grand bruit. Lorsque cette sorte de chef fait un vigoureux demi-tour, tout son petit monde embraye dans le même sens, telle une petite république en marche.

Sous un abri, trois zèbres tuent le temps. Ils semblent bien nourris mais leur regard trahit un dépérissement intérieur. Quelque part dans leur mémoire génique, un vieux murmure leur laisse entendre que la savane existe ailleurs et qu’en dépit des prédateurs, c’est là que se trouve la vraie vie. L’oryx algazelle quant à lui est présenté comme un survivant car l’espèce sauvage aurait tout bonnement disparu. Au point nous explique une notice qu’il serait question de relâcher quelques spécimens au Sahel, au pays des hommes migrateurs.

Dans son grand bassin, l’otarie fait des longueurs et communique en morse tandis que ses moustaches font office d’antenne afin de capter les messages de la résistance. Tantôt elle file sur le dos tantôt sur le ventre dans un style olympique très maîtrisé. Elle se prépare pour la grande crue de la Seine. Elle s’entretient les muscles pour le jour où elle rejoindra enfin la Patagonie où ont vécu ses aïeux. D’ailleurs hier, de la grande volière au territoire des girafes en passant évidemment par la cour très surveillée des babouins, tout le monde ne parlait plus que de ça: d’évasion.

Sauf le jaguar, qui s’était assoupi pour l’après-midi. Il se croyait en Guyane, mais avec un toucan dans les parages, la confusion peut s’expliquer.

PHB

Parc Zoologique de Paris, fermé le mardi, métro Porte Dorée

 

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3 réponses à Première tentative de départ au zoo du bois de Vincennes

  1. gilles dit :

    Très visuel, le ballet des flamands!

  2. Sandra H. dit :

    Macron en flamand rose, quelle facétie délicieuse ….
    Merci et bravo encore
    Encore !

  3. nicolas dit :

    Bravo pour le style et l’humour. Cependant l’anthropomorphisme vous fait attribuer beaucoup de sentiments discutables à quelques animaux, les oiseaux en vue des jaguars sont plutôt les corneilles du bois – et les aras hyacinthe à 100 mètres. Et otaries, oryx, jaguars et loups ne sont pas en exemplaire unique et solitaire!
    Une seule visite ne remplace pas une fréquentation régulière d’abonné (à prix modéré)

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