Une fenêtre sur le fleuve

C’est à Caudebec en Caux. Sur la terrasse qui surplombe la Seine, on voit passer les navires de croisière fluviale chargés de touristes le plus souvent étrangers qui vont jusqu’à Paris. Huit heures pour remonter le fleuve au fil de l’eau. Les impressionnants porte containers s’arrêtent eux à Rouen. C’est à Caudebec que se fait le changement de pilote.
Car la Seine que connaissent les parisiens n’a rien à voir avec celle que connaissent les normands de l’estuaire et qu’on appelle la «basse Seine». La vie n’est pas un long fleuve tranquille et la Seine non plus. Les méandres du fleuve (1) sont comme un ruban d’eau qui a permis d’écrire l’histoire de ses riverains depuis l’antiquité.

Une vie antique riche des découvertes de Lillebonne où l’ancien port de «Juliobona», à mi-chemin entre Le Havre et Rouen était au centre des échanges commerciaux et culturels entre «Britannia», l’Angleterre et la Gaule. La qualité des vestiges antiques rassemblés dans le musée en face de l’ancien théâtre est révélatrice de l’importance de la prospérité de la ville pendant les 3 premiers siècles de notre ère au point que Jimmy Bouchard (2)  s’émerveille : «Juliobona  la méconnue est à la Seine ce que Arles est au Rhône». Une ère de prospérité qui prendra fin avec les invasions barbares, dont les Vikings au IX siècle.

L’histoire de la Seine c’est aussi celle du «mascaret», cette vague qui pouvait atteindre 2,5 mètres de hauteur et qui remontait le fleuve à contre courant à la vitesse de 25 km/h. La légende voudrait que c’est le mascaret qui aurait causé le naufrage de l’embarcation où ont péri Léopoldine  Hugo et son mari  Charles Vacquerie. Ce n’est qu’une légende car l’accident est imputable malheureusement à la seule maladresse de son mari. C’est ce triste évènement qui est à l’origine du célèbre «Demain dès l’aube …» d’un Victor Hugo inconsolable.  Léopoldine est enterrée dans le cimetière tout proche de Villequier avec son mari et sa sœur Adèle dans ce même village où se situait le lieu de résidence de la famille Hugo.

Gribane, bateau utilisé par les ouvriers du long chantier d’endiguement MuseoSeine

Le mascaret de la Seine a disparu dans les années 60 avec l’endiguement et le creusement du fleuve entre Le Havre et Rouen. Des travaux titanesques extrêmement coûteux et qui ont duré plus d’un siècle, de 1850 à 1960 dans le seul but de maintenir l’activité maritime du port de Rouen qui, à 120 km de distance à l’intérieur des terres reste encore de nos jours le premier port céréalier d’Europe et un fleuron de l’économie normande. Un choix qui à posteriori suscite des interrogations et qui avait à l’époque déchaîné les passions, défendu âprement en 1846 par Lamartine «soi-même» lors des débats à la Chambre de députés.

Les deux équipements touristiques récents (2016) et remarquables de Museo Seine et de Juliobona participent avec talent à nous rendre la mémoire du fleuve à la mettre à la portée du plus grand nombre.

Marie-Pierre Sensey

 

(1) De Rouen au Havre il n’y a que 70 km à vol d’oiseau tandis que les sinuosités de la Seine en décrivent plus de 120
(2) Maître de conférence en archéologie antique à l’Université de Nantes

Musée Juliobona /Musée gallo romain de Lillebonne/Lillebonne/MuseoSeine 
Caudebec en Caux /Rives en seine

 (3) À propos du séjour de Guillaume Apollinaire à Villequier

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Une réponse à Une fenêtre sur le fleuve

  1. Vivat Laurent dit :

    Très bel article, Marie-Pierre.

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