Tzintzuntzan (Mexique) : un village mystérieux au cœur de la culture tarasque

Tzintzuntzan, son nom claque comme un pétard chinois. Et pourtant c’est dans le Michoacan, sur la côte pacifique du Mexique, que se trouve ce bourg insolite de 12.000 habitants. Haut-lieu de la culture tarasque, une civilisation aujourd’hui oubliée, comme a pu l’être celle des Olmèques, la petite ville rurale concentre des trésors historiques et artisanaux inattendus. L’approche de Tzintzuntzan est surprenante. Avant de parvenir en son centre, la route traverse une forêt de gigantesques poteaux de bois et de pierre sculptés. Totems, mats aux motifs élaborés, bestiaire colossal, statues religieuses comprenant des dizaines de  « Saint-Michel terrassant le dragon », mais aussi des Ganesh et des Shiva … on se croirait dans un atelier de décors de films. C’est que les artisans sculpteurs de Tzintzuntzan fabriquent de quoi satisfaire les goûts de tous les commerces et particuliers du Michoacan !

La route continue, encadrée cette fois de sculptures en paille séchée et de stands de vannerie, autres spécialités de l’artisanat local. Biches et cerfs plus grands que nature, art votif, gigantesques poupées brulées lors des fêtes d’anniversaire, immenses tableaux de paille tressée avec scènes bibliques, décors de noël, nattes, paniers, rideaux, chapeaux de soleil, … Puis, on zigzague dans le quartier des potiers, au milieu d’un alignement profus de pots et plats avant de rejoindre la rue principale. Là, de petites maisons blanches à liseré lie-de-vin, coiffées de toits de tuiles rouges, confèrent un aspect champêtre à la ville.

Tzintzuntzan. Son nom signifie «pays des colibris» en langue tarasque. Tzintzuntzan était la capitale de l’ancien royaume indien Purépecha (tarasque en français) qui couvrait à peu près l’actuel l’État du Michoacan. À l’arrivée des conquistadors, il constituait en superficie et en puissance militaire le deuxième État de Mésoamérique après l’Empire aztèque par qui il ne s’était jamais laissé dominer. Les indiens Purépecha avaient créé une culture élaborée, avec leur propre langue (encore parlée autour du lac Patzcuaro), un culte religieux complexe, une organisation administrative développée, une technologie militaire sophistiquée. Les tarasques étaient également connus pour leur travail artisanal remarquable notamment dans le domaine de la céramique, des plumes et des métaux.

Fondée en 1000 comme centre de culte, Tzintzuntzan serait devenue la capitale tarasque au XIVe siècle. À l’arrivée des Espagnols, affaiblis par les maladies que ces derniers avaient importées, ils ont préféré choisir la suzeraineté espagnole plutôt que de lutter contre les conquistadors. Sur les hauteurs, en périphérie du village, il ne reste de l’ancien royaume indien Purépecha que les bases de temples tarasques (photo d’ouverture). Elles forment cinq ensembles aux courbes harmonieuses de grande hauteur. Le site archéologique, bien entretenu, constitue une promenade agréable avec des arbres rafraîchissants, de belles vues sur le lac de Patzcuaro en contrebas et un petit musée.

Autre attraction touristique de Tzintzuntzan, son élégant couvent franciscain du XVIe s (ci-contre), entouré d’un parc. Parfaitement conservé, le couvent Santa Anna s’enorgueillit d’un très beau cloître couvert de fresques naïves. La façade de l’église adjacente, Saint François d’Assise, date de la même époque. À l’intérieur, on peut voir des Indiens faire plusieurs fois le tour de la nef sur leurs genoux avant d’aller se prosterner devant la croix du Chœur. L’église Notre Dame de la Solitude, à 50 mètres, est le théâtre d’un phénomène miraculeux. Un Christ en bois, taillé par les sculpteurs locaux, qui repose dans une cage en verre grandit d’année en année. Il a d’ailleurs été surnommé « el cristo que crece » (le Christ qui grandit). Dans son Dictionnaire amoureux du Mexique, le regretté Jean-Claude Carrière explique que « sous l’effet de l’humidité tropicale, comme il est taillé dans du bois, il grandit. Depuis un siècle, il a pris une bonne vingtaine de centimètres, au point qu’il a fallu réparer les craquelures de sa peau et surtout agrandir la cage ».

Autre miracle dans le jardin du couvent de Santa Anna : son oliveraie qui date du XVIe s. Une dizaine d’oliviers plantés en secret par les premiers moines sont toujours sur pied. Ils seraient les plus vieux d’Amérique latine. Protectionnisme oblige, pour favoriser la production espagnole d’huile d’olive et son exportation, il était interdit de planter des oliviers dans le Nouveau monde. Les moines franciscains n’ont pas hésité à braver la loi pour commettre un péché de gourmandise. Bien leur en a pris. Les vénérables rescapés sont magnifiques avec leurs troncs colossaux, ravinés et desséchés comme des canyons et leur couronne de feuilles argentées qui s’élèvent haut dans le ciel pour crier victoire.

Au retour, il ne faut pas manquer de s’arrêter à Patzcuaro, une petite ville de caractère à l’architecture coloniale harmonieuse, au bord du lac de Patzcuaro. De nombreux villages et hameaux indiens, qui vivaient autrefois de la pêche, sont disséminés tout autour du lac. Connus pour pêcher à l’aide d’extravagants filets en forme de libellules (ci-contre), les pêcheurs ne les agitent plus que pour soutirer un peu de monnaie aux touristes. Le lac abrite également quatre îles. Janitzio, la plus connue est réputée dans tout le pays pour son extraordinaire célébration de la fête des morts, qui attire des milliers de pèlerins et de touristes. Depuis l’embarcadère, on rejoint Janitzio à bord de lanchas, longues barques traditionnelles aux couleurs vives. On embarque pour 20 minutes de traversée avec des mariachis (1) fanés aux costumes élimés, au grand bonheur des touristes mexicains qui reprennent en chœur les refrains éventés.

Lottie Brickert

* Musiciens en costume traditionnel de cavalier mexicain avec sombrero qui jouent de la musique populaire

Photos: ©Lottie Brickert
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4 réponses à Tzintzuntzan (Mexique) : un village mystérieux au cœur de la culture tarasque

  1. thierry dit :

    Une histoire dont les débuts semblent annoncer une BD style « Tintin… et les oliviers des moines ». Un civilisation qui me semble si lointaine de la nôtre et pourtant. Merci Lottie !!!

  2. John Hardgrove dit :

    Lottie, I’m finally getting your travel newsletter translated into ENGLISH! I don’t know how this happened, but I’m thrilled to get to read about your exciting adventures including your excellent photography. Are you constantly on the move, searching for the next story? I would love to know what Chloe is doing these days?

    Cheers, John

    • lottie dit :

      Hello John,
      How did you get my story translated into English? Two American friends have been asking for months to translate my articles. So I’m very interested about learning the translation process. I’ll send you a private email as this is a public newsletter about art, exhibitions and culture. Cheers, Lottie

  3. Jean-Marc dit :

    Que de voyages, dans les sonorités, les images, l’histoire, ton esprit curieux que tu nous fais partager !
    Merci Lottie

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