Les 10 ans de la Fondation Villa Datris, sculpture en fête !

Dans le charmant petit village provençal de L’Isle-sur-la-Sorgue, non loin d’Avignon, se niche une fondation d’art contemporain qui n’a rien à envier à des consœurs de plus grande renommée.  Fondée par la femme d’affaires Danièle Kapel-Marcovici, présidente de l’entreprise de fournitures Raja, et son compagnon l’architecte Tristan Fourtine, disparu en 2013, et vouée tout entière à la sculpture contemporaine, la Fondation Villa Datris, a constitué au fil de ses expositions une importante Collection réunissant des sculptrices et des sculpteurs du monde entier. L’exposition qui s’y tient actuellement, “Sculpture en fête”, célèbre aujourd’hui le dixième anniversaire de la Fondation. Reflet et mémoire des expositions passées (1), ce florilège d’œuvres illustre les choix et les goûts de ses fondateurs. Le plus souvent abstraites, les sculptures y sont conceptuelles, cinétiques, mobiles, lumineuses, colorées, numériques… De Niki de Saint-Phalle à Jean-Pierre Raynaud, en passant par Sarah Sze ou Julio Le Parc, ce n’est pas moins de 126 artistes et 156 œuvres qui nous sont présentés, autant dire une belle page de l’histoire de la sculpture contemporaine.

Une grande et belle demeure provençale du XIXe siècle, aux jolies façades couleur saumon, encadrée de deux jardins, l’un au Nord et l’autre au Sud. Dans le premier, au pied de l’escalier qui mène à la Villa, cinq sculptures monumentales accueillent le visiteur et donnent d’ores et déjà le ton. Nous voilà bien dans un lieu à part où le volume est roi et l’expression artistique, libre.

“Tres Stelas” (2012), du sculpteur et peintre franco-brésilien Jaildo Marinho, s’impose d’emblée par son abstraction géométrique radicale, la pureté de ses formes et de ses couleurs. Trois gigantesques carrés évidés, d’un blanc immaculé et dont les côtés intérieurs révèlent pour chacun une couleur différente – jaune, orange, rouge –, reposent de manière plus ou moins déséquilibrée (ou on ne peut plus acrobatique) sur un socle de la même blancheur. L’artiste s’en explique en ces termes : “L’Art c’est le vide qui se remplit à chaque instant. Mon travail explore la complémentarité du vide et du plein. En remplissant ce qui est vide et en vidant ce qui est plein, j’essaie de combler l’existence tout en élargissant l’espace qui nous environne.” Quelques pas plus loin, “228.5° arc X 5” (2002) de Bernar Venet, une sculpture d’arc en acier, également d’une grande simplicité formelle, joue, quant à elle, sur l’opposition entre l’apparente légèreté et la présence imposante du matériau. Une structure de métal noir vient s’inscrire dans le prolongement. Réalisée à partir d’objets issus de l’aménagement urbain (grilles, portails…), “Advertisement” (2015), de l’artiste polonaise Monika Sosnowska, évoque, nous apprend-on, une architecture en ruine et un monde à l’esthétique pour le moins chaotique.

Quant à “Quatrain” (2011) de Stéphane Guiran, une œuvre en inox minimaliste et d’une parfaite épure, elle prend son inspiration, nous indique le cartel, dans les haïkus, ces petits poèmes japonais de quelques lignes. Pour clore cette entrée en matière et nous ouvrir au futur, “Coronae Digitalis” (2011) de Miguel Chevalier, grande fleur fractale de métal rouge générée par un logiciel informatique, vient illustrer une nouvelle esthétique issue du virtuel. Si ces œuvres peuvent s’admirer pour leur simple beauté plastique, il est vrai que l’éclairage donné par les cartels est le bienvenu. Tout au long de l’exposition, la Fondation Villa Datris ne se montrera pas avare d’explications et chaque sculpture sera accompagnée de moult informations. L’art à la portée de tous…

Puis, de Niki de Saint-Phalle, à travers “Blue Goddess Thoëris Hippocamp” (1990) qui nous accueille en majesté dans le hall de la Villa, telle la déesse (ci-contre) qu’elle représente, au “Pot rouge 1m40” (2017) de Jean-Pierre Raynaud qui clôt en quelque sorte le parcours dans le jardin Sud, c’est à un inventaire des plus prestigieux que nous avons affaire. Le cadre enchanteur du lieu vient encore sublimer la visite. “Créer une fondation pour la sculpture contemporaine dans cette maison ancienne, c’est créer un univers particulier : un monde à part, avec sa diversité, ses beautés, un monde qui a ses racines mais qui est mouvant, changeant, ouvert, surprenant, parfois ludique… À l’image de notre monde contemporain dans ce qu’il a de meilleur…” déclaraient ses fondateurs en 2011.

Un parcours sur quatre niveaux, prolongé dans le jardin Sud et sur les bords de la Sorgue, nous invite donc à découvrir, par univers thématiques, les artistes de la Collection. Des artistes de renom présents dans les plus grands musées internationaux, tels Victor Vasarely, François Morellet, Jesús-Rafael Soto… comme des artistes contemporains plus récents, tels Joana Vasconcelos, Chiharu Shiota, Loris Cecchini, Élias Crespin…, des femmes et des hommes de tous horizons et de générations différentes. Car c’est au fil des années et de ses différents accrochages que la Fondation Villa Datris a acquis ses œuvres et constitué progressivement cette collection éclectique et éclairée.

Les univers, matériaux, sujets et sources d’inspiration sont multiples et variés : art cinétique, art optique, art à mi-chemin entre architecture et sculpture…, artistes interrogeant les notions liées à l’espace, à la perspective, à l’équilibre ou encore prenant leur inspiration dans la nature et le monde animal… Des créations de mondes imaginaires aux expérimentations sur le mouvement mêlant technologie et poésie, c’est un parcours d’une grande richesse qui nous est offert là et qu’il serait vain de vouloir évoquer en détails. À voir donc de ses propres yeux. Nul doute que chacun y trouve son compte et vive une expérience artistique et émotionnelle peu banale.

Isabelle Fauvel

 

(1) “Sculptures Plurielles” (2011), “Mouvement et Lumière” (2012), “Sculptrices” (2013), “Sculpture du Sud” (2014), “Archi-Sculpture” (2015), “Sculpture en partage” (2016), “De Nature en Sculpture” (2017), “Tissage Tressage” (2018), “Bêtes de Scène” (2019), “Recyclage/Surcyclage” (2020).

“Sculpture en fête” jusqu’au 1er novembre 2021 à la Fondation Villa Datris 7, avenue des Quatre Otages 84800 L’Isle-sur-la-Sorgue Tél. : 04 90 95 23 70  Entrée libre

À noter : la Fondation Villa Datris dispose d’un lieu parisien, dans le 20ème arrondissement, l’Espace Monte-Cristo, inauguré en 2014 et dédié à l’exposition de sa Collection de sculpture contemporaine. (Ci-contre: “Tres Stelas” (2012) – Jaildo Marinho)

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5 réponses à Les 10 ans de la Fondation Villa Datris, sculpture en fête !

  1. Régalez-vous, très peu pour moi !
    André Lombard. 84750 Viens.

  2. XAVIER VALENTIN dit :

    Merci pour cette découverte

  3. Alain ARTUS dit :

    Mais l’élégance d’un marbre de Praxitèle ou d’un bronze de Donatello, ce n’est pas mal aussi…

  4. Pierre Leroy dit :

    Charmant village, l’Isle sur la Sorgue…il y a plus de 19 000 habitants à L’Isle sur la Sorgue en 2021…
    Mais il est vrai que le charme de la villa et sa situation en plein centre ville et son jardin au bord de la Sorgue contribuent depuis dix ans au succès des expos qui permettent d’avoir un large panorama de l’art contemporain (même si les fondateurs -et collectionneurs- ont privilégié la sculpture). Le sérieux de leurs expositions – et les achats réalisés – ont permis des prêts intéressants de la part de galeries importantes et donc une bonne tenue des expos – avec un accès gratuit comme il se doit pour une fondation.

  5. alain BOUTRY dit :

    Le problème de ces sculptures contemporaines,comme de l’Art du même nom d’ailleurs,c’est qu’il leur faut, ainsi qu’un médicament délicat à ingurgiter,une notice explicative qui se perd le plus souvent dans une logorrhée absconse!

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