Eh bien ! Chantez maintenant

Deux salles, une ambiance. Celle de la bonne soirée au théâtre. Du chant, du rire, de l’émotion, une énergie folle et communicative, du théâtre dans le théâtre, du rêve et du réalisme. La vie quoi ! Et deux bonnes idées pour les fêtes. Plouf plouf, … rue Blanche tout d’abord, où « Les Producteurs » font fureur. Un nom est tout en haut de l’affiche, et pourtant il n’a pas en amont tenu la plume. Il est en retrait par rapport à «ses» pièces précédentes, et conserve cette fois la direction artistique. Avec toujours cette capacité à créer un ballet magique des décors et des comédiens, tous virevoltent dans une valse à mille temps. Ce nom en haut de l’affiche, c’est Alexis Michalik, l’enfant chéri du théâtre français. Qui se frotte cette fois donc au texte d’un autre. Et quel autre ! « Les Producteurs », à l’origine en 1968 un film de Mel Brooks, Oscar du meilleur scénario original. Film adapté avec grand succès en comédie musicale en 2001 à Broadway par le même gai luron. Un spectacle qui débarque respectueusement en France vingt ans après.

L’histoire, … non, je ne la raconterai pas. Surprise, il est question de producteurs. Et de nazis. Mais au second voire troisième degré. Il faut se laisser aller pour pouvoir apprécier les costumes portant chopes de bière et bretzels (comme déjà dans le film originel) ou les répliques des chemises brunes dansant d’un pas léger, «plus on est de fous plus on rit, rejoins-nous au parti nazi». Oui, donc, il faut accepter le second ou troisième degré. Mais à cette condition le spectacle est plaisant. Sinon, «c’est beaufissime», pestait mon intransigeante voisine.

Les comédiens, emmenés par le duo de producteurs de pacotille, Serge Postigo en Max Bialystock et Benoît Cauden en Leopold Bloom, sont justement tous impeccables de démesure dans le jeu, de l’ingénue blonde suédoise aux longues jambes de rigueur, au nostalgique d’Adolf Hitler avec casque de la Wehrmacht de rigueur, en passant par la troupe très Village People entourant le metteur en scène. Alexis Michalik met de l’huile, fait glisser les tableaux successifs, c’est bien sa patte. Les retardataires ne manqueront tout de même pas de jeter un œil au reste de la programmation du jeune homme, ces pièces précédentes sont souvent à l’affiche, celles écrites par Monsieur. D’Edmond au Cercle des illusionnistes, que de belles soirées en perspective.

Quant au rythme endiablé des « Producteurs », c’est Broadway pour de bon. On s’imagine sortant du théâtre et faire le crochet à pied pour Times Square. Mais non, en sortant, ce n’est pas Manhattan mais le 9e arrondissement. On peut remonter vers Pigalle ou descendre vers l’église de la Trinité et son square d’Estienne d’Orves, où rôdent encore les fantômes de Johnny et de Bel-Ami. Mais ce sont d’autres histoires …

Une autre encore, d’histoire, celle de « Mais quelle comédie ! », à la Comédie Française. Un formidable spectacle conçu et mis en scène par le sociétaire Serge Bagdassarian et la pensionnaire Marina Hands. Autant de musique et de chant qu’avec « Les Producteurs », mais sous une autre forme. Il s’agit ici d’une succession de tableaux indépendants, dont la composition intégrale se tient parfaitement, au final d’un spectacle musical, quand rue Blanche nous est donnée une comédie musicale. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. Et ici encore voilà le spectateur servi. L’idée en a germé dans la tête des locataires du Français dans la continuité de « La comédie continue ! », la webTV diffusée par le théâtre pendant le confinement. WebTv destinée à maintenir le lien, devant et derrière le rideau.

Le spectacle aujourd’hui présenté garde ce souhait de témoigner de la vie d’une troupe, des coulisses, des parcours professionnels et personnels de ses comédiens, côté cour et côté jardin en somme. Morceaux de vie et chansons alternent avec fluidité. Les morceaux de vie, passant par celui des comédiennes mères de famille, souvent absentes forcément pour le dîner et la soirée, par le récit d’une audition devant l’administrateur Eric Ruf en claquettes, ou regroupés dans une adaptation du « Je me souviens » de Georges Perec. Autant d’histoires intimes qui forment celle de la troupe. Les chansons, on les connaît, ou pas, des reprises de standards, de « Mourir sur scène » de Dalida à « La Quête » de Jacques Brel, jusqu’au « Always look on the bright side of life » du film « La vie de Brian » des Monty Python. Toujours ce lien à la scène, à l’euphorie, aux angoisses, aux espoirs du comédien. «Il y a de bons moments, d’autres carrément excellents» jugeait mon jeune voisin.

Cette même troupe (ci-contre) reviendra bientôt pour nous enchanter encore entre janvier et juillet prochains à l’occasion de la Saison Molière célébrant dans sa maison le quatre-centième anniversaire du roi à tout jamais indétrônable.

Vivement janvier. Et ce n’est pas la VIP du soir Place Colette qui me contredira. Assise comme tout people d’honneur salle Richelieu au centre du premier range de la corbeille, Valérie P. applaudit debout à l’issue de « Mais quelle comédie ! », à la veille de poinçonner son ticket pour la course à l’Élysée. Mais je me risque là vers d’autres histoires de troupes, d’autres comédies, pas si joyeuses. Restons plutôt sur les planches de la Comédie Française et du Théâtre de Paris. Eh bien ! Chantez maintenant.

Byam

« Les Producteurs » Théâtre de Paris
« Mais quelle comédie » Comédie Française

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4 réponses à Eh bien ! Chantez maintenant

  1. Marie J dit :

    Pas vu Les producteurs, mais oui, trois fois oui, le spectacle de la Comédie Française est grandement jubilatoire !

  2. Catherine Boccaccio dit :

    Merci pour cette chronique pleine d enthousiasme et de plaisir.

  3. Marie-Hélène Fauveau dit :

    jolie chronique merci!

  4. Menou Ambroise , Benoît dit :

    Bravo Byam. + bravo à ses collaboratrices et son collaborateur.

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