Le candidat Lamartine à la source

Ce n’est sans doute pas son fait d’armes le plus saillant mais il se trouve que Alphonse de Lamartine a été candidat à la présidence de la République. C’était, comme l’on dit pudiquement de nos jours, une candidature de témoignage. Car celui qui pensait pouvoir lire dans l’avenir « la raison du présent » a été, en 1848, largement distancé par le vainqueur, Louis-Napoléon Bonaparte. En tout cas cela faisait, en 2022, une bonne raison de se rendre sur les lieux de la ville qui l’a vu naître, Mâcon. Et pour se pénétrer du sujet, quoi de mieux que d’aller dîner au restaurant Le Lamartine fondé en 1804, sur le quai Lamartine, face à la statue de… Lamartine, laquelle borde la Saône. Et de s’y désaltérer d’un verre de Mâcon car cet homme était avant tout un gentilhomme qui cultivait la vigne. Et par n’importe laquelle car le vin de Mâcon (blanc pour l’essentiel) fait partie de ces breuvages divins à même de réconcilier toutes les tendances politiques.

Sur le plan politique justement, Lamartine était un peu comme la Saône en été: elle chemine tellement lentement aux beaux jours, que l’on se demande dans quel sens elle s’écoule. Il était tout de même pour la liberté de la presse et contre la peine de mort, thèmes qui pour l’époque n’étaient pas forcément évidents à défendre. Au moins avait-il pris position. Certaines d’entre elles en revanche feraient sursauter les âmes sensibles de nos jours, lorsque celui-ci déclarait par exemple, probablement en raison de son voyage au Moyen-Orient: « l’islamisme est un christianisme purifié. » Mais bien fin celui qui aurait pu définitivement le situer. Ainsi, en 1858, Charles Brifaut son confrère à l’académie, prétendait qu’il était « homme de tous les partis, porteur de toutes les cocardes, armé de tous les langages, pirouettant avec une rapidité effrayante pour embrasser tous les nuages qui passent devant lui,  criant vivat aux monarchistes et aux républicains, aux conservateurs et aux destructeurs, ami de tout le monde et ne tenant à personne, jouant sa destinée avec celle de son pays (…) incapable d’amour ni de haine prêt à tendre la main à qui l’a offensé, comme à oublier qui le sert, mais par-dessus tout, séduisant au plus haut point ».

L’ex-couvent des Ursulines, devenu musée du même nom, lui consacre une place généreuse, ce qui est bien normal. D’autant qu’il était né dans la même rue, presque en face. Peu après la Révolution, le bâtiment était une prison où le père de Lamartine fut enfermé. L’une des responsables du musée explique que sa mère promenait le bébé sous les fenêtres de la prison afin que son mari le vît. À propos de cette ville, l’un de ses biographes Louis Bertrand écrivait qu’il avait été « injuste pour Mâcon » car il s’y ennuyait. « Et pourtant poursuit l’auteur, cet admirable paysage de la Saône, fluide et doux, avec ses verdures étalées, ses lointains voilés d’une brume délicate comme des mousselines flottantes, il ne pouvait pas ne pas en sentir la noblesse et la suavité virgiliennes ».

Depuis 1940 hélas, date à laquelle à été publiée cette biographie, quelques immeubles assez laids ont poussé sur les rives d’en face, atténuant par conséquent la belle description de Louis Bertrand. Cependant, dans sa partie basse comme dans sa partie haute, la ville de Mâcon est suffisamment intacte pour marcher sur les brisées du versificateur compulsif que Lamartine était. On ne peut que s’émouvoir devant de ce qu’il reste de l’ancienne cathédrale romane, reconstruite à partir du 7e siècle et dont on nous a dit que du temps de sa splendeur, elle s’étendait très loin, presque jusqu’à la Saône. Ce que certaines images anciennes attestent. Elle abrite de nos jours un musée lapidaire.

On peut encore voir, non loin de la rue des Ursulines, la maison des Lamartine, mais c’est sans conteste au musée juste à côté (ci-contre) qu’est concentrée toute son histoire. Avec notamment, sur une affiche datée de 1870 (un an après sa mort),  l’appel public à l’édification d’une statue à l’égard de celui qui fut dans le désordre, propriétaire terrien, journaliste, député (Bergues), ministre, conseiller municipal (Mâcon), cavalier, voyageur, séducteur, époux, poète…

Il aurait voulu, avait-il dit, que « la vie publique mêlât le talent littérature à tout ». Lui pour qui l’existence en soi était « déjà un poème ». Pas de quoi gagner une élection présidentielle, mais la posture était bien jolie.

 

PHB

Photos: ©PHB
Print Friendly, PDF & Email
N'hésitez pas à partager
Ce contenu a été publié dans Histoire, récit. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à Le candidat Lamartine à la source

  1. Marie-Hélène Fauveau dit :

    Comme d’habitude, une écriture-ouverture bien agréable !
    Merci de nous pousser à aller déguster sur place et le vin et la poésie.

  2. jmc dit :

    Je me souviens d’un texte (de qui hélas, je ne sais plus), en cours d’histoire au secondaire, expliquant que, si la télévision avait existé à l’époque, Lamartine et son charisme l’eut emporté aisément sur le balourd Napoléon III…
    Merci cher Philippe.

Les commentaires sont fermés.