Paysages au flash

Lorsque les œuvres relevant de l’art contemporain auront fini d’aller chatouiller les limites du possible, gageons que le paysagisme et l’art du portrait opéreront un inexorable retour. C’est la réflexion qui peut venir à l’esprit en ce moment-même devant les peintures de Thomas Verny exposées au musée  Paul Valéry de Sète (Hérault). Bien que ses références en peinture s’accrochent à des grands noms comme Jean-Baptiste Corot, Félix Valloton, Albert Marquet ou Pierre-Henri de Valenciennes, il a indéniablement développé son style propre. Au moins sur ses plus grandes toiles où un agencement spécifique des couleurs locales, faites d’un savant mixage de matière vinylique et de pastel, confère à chaque résultat, chaque conjugaison, la mer bleue, les pins verts, les tuiles des toits rouges, un effet flashy propre à séduire. En revanche ses petits pastels sur carton ébranlent moins la rétine, mais au bénéfice d’un charme intimiste qui fait tout de même mouche.

C’est une chance quand même pour un artiste n’ayant pas encore atteint la cinquantaine de se voir offrir un aussi large volume afin d’y exposer sa production. Ainsi le visiteur pourrait se demander pourquoi lui et dans le même temps se dire qu’après tout, un musée qui sait jouer son va-tout sur le même numéro avec la prise de risque que cela représente, ce n’est pas si courant. Et c’est plutôt cet aspect des choses qu’il faut considérer.

Thomas Verny est né en 1975 d’une famille de peintres. L’exposition en cours contient d’ailleurs des œuvres de son père et quelques allusions graphiques à sa mère. C’est un « local » mais il a grandi à Paris et raconte lui-même ses débuts au Parc de Belleville dans le vingtième arrondissement. Pour lui, ce lieu juché sur l’une des grandes collines parisiennes « fut le théâtre d’une sorte de première communion » dans l’usage du bâtonnet de pastel au calibre 0,9. L’inconvénient, note-t-il en l’occurrence, étant que le pastel n’est pas bien adapté aux « exigences contemporaines de monumentalité ». Ce pourquoi, il a fait appel aux couleurs vinyliques lui permettant d’accéder aux tailles XXL parfois déclinées en tryptiques, jusqu’à un ensemble nécessitant un certain recul puisque composé de vingt panneaux et tout bonnement intitulé « Méditerranée ». Nous avons ici affaire à des horizons dégagés qui emmènent loin notre regard. Phénomène qui s’inverse quand il plante des personnages dont chaque attitude et chaque regard sont une façon de nous interpeller. Il est dommage cependant que des verres anti-reflets efficaces n’aient pas été apposés. Ce qui fait qu’il est quasiment impossible de regarder une de ses œuvres sans avoir le reflet d’un spot ou d’un visiteur dans le champ de vision. Ce défaut s’avère bien moins gênant sur les formats intimistes qui trouvent ici le moyen de prendre leur revanche.

À noter que l’expo Verny comporte également une alcôve vouée à un autre de ses centres d’intérêt, la figuration érotique. Celle qui va chercher ses repères dans les équivalents japonais de l’estampe. Les plus grandes ont cette originalité d’être entourées d’un motif décoratif. Les sujets féminins créés pour l’occasion s’écartent de l’esthétique raffinée en évoquant plutôt la façon de voir qu’avait Francis Picabia, dans le genre pin-up ayant pris de l’âge. S’y ajoutent aussi quelques sculptures en plâtre, résine et terres polychromes (ci-contre) dont l’aspect miniature aide à convoquer l’attention.

Ce musée Paul Valéry est une chance pour la ville de Sète. Outre ses collections permanentes et le fonds Valéry, il y a cette volonté de faire vivre ce bâtiment moderne en aplomb de la mer, conçu en 1970 avec une architecture inspirée par Le Corbusier. La fréquence de ses expositions temporaires lui donne une vitalité appréciable. Au mois de juin c’est Martial Raysse (1936-), peintre à succès issu du nouveau réalisme et du pop-art, qui prendra le relais. Ce sera probablement un événement bien que la totalité des prêts n’excédera pas 80 œuvres récentes contre plus de deux cents pour Thomas Verny.

Dans tous les cas l’œil a et aura, l’occasion de se réjouir. Et à ce propos, nos pas se sont arrêtés sur le chemin du retour au Mo.Co de Montpellier. Un lieu qui se revendique « écosystème artistique », comprenant des espaces d’exposition. La partie située juste à côté de la gare Saint-Roch dans un fort beau bâtiment, déploie en ce moment sur ses cimaises un aperçu de la « jeune peinture figurative française » laquelle soulève pour le moins quelques questions. Nous avons là affaire à tel concentré de morbidité et d’atmosphères oscillant entre dépit, désenchantement et désespérance, que l’on peut légitimement s’inquiéter de l’état d’angoisse des auteurs y participant. Thomas Verny ne fait peut-être pas dans l’existentiel analytique mais à tout prendre et au risque de passer pour un rétrograde amateur de paysages, on préférera Sète à Montpellier.

PHB

« Thomas Verny, vues d’ici, paysages d’auprès et figures intimes » Musée Paul Valéry Sète, jusqu’au 28 mai. « Martial Raysse, œuvres récentes » du 17 juin au 5 novembre.

Photo d’ouverture: source Musée Paul Valéry. Photo n°2: ©PHB
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Une réponse à Paysages au flash

  1. anne chantal dit :

    Belle découverte ! merci à vous .
    Mais c’est loin Sète ..

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