Sarah Bernhardt, la star aux mille et une facettes

Son image orne à l’année la façade du Petit Palais, le musée ayant repris sur son affiche institutionnelle le plus beau fleuron de sa collection : le portrait de Sarah Bernhardt (1844-1923) par Georges Clairin, en robe de satin blanc et dans une pose d’une nonchalance étudiée. Cent ans après sa mort, Sarah Bernhardt est plus que jamais à l’honneur. Le Petit Palais lui consacre une exposition d’une ampleur exceptionnelle, avec plus de 400 œuvres, des célèbres portraits de Nadar et affiches de Mucha à des toilettes et objets lui ayant appartenu, et, de manière tout à fait inédite, des sculptures et tableaux réalisés par la comédienne elle-même. Car c’est une des révélations de l’exposition : nous découvrons une Sarah Bernhardt peintre et sculptrice, mais aussi écrivaine, metteuse en scène, programmatrice, décoratrice, meneuse de troupe… “La Divine”, que Proust décrivit dans son grand œuvre sous les traits de La Berma, surnommée par Victor Hugo “La Voix d’Or”, celle pour laquelle Cocteau inventa le terme de “monstre sacré”, fut une femme et une artiste aux mille et une facettes.

Le parcours, décliné en douze sections thématiques, retrace avec force détails la vie et la carrière de cette femme hors du commun, de son entrée au Conservatoire à l’âge de 15 ans à sa toute dernière photographie dédicacée à Louise Abbéma “son amie de toujours et bientôt de l’au-delà”, en passant par ses rôles au théâtre – et au cinéma ! -, ses départs fracassants de la Comédie-Française, ses activités diverses, ses engagements patriotiques et politiques et ses multiples amours. Cette éminente tragédienne, entrée de son vivant dans la légende, est aujourd’hui encore considérée comme l’actrice la plus célèbre de tous les temps. Le titre de l’exposition, “Sarah Bernhardt Et la femme créa la star”, nous rappelle qu’elle fut une star avant l’heure, multipliant les tournées triomphales dans le monde entier, distribuant les autographes, se laissant portraiturer par nombre d’artistes et n’hésitant pas à utiliser son image tant pour la promotion de ses spectacles que pour des publicités commerciales. Sa silhouette longiligne en “s”, alors atypique, son abondante chevelure rousse, son profil aigu, sa voix singulière fascinaient autant le public que le monde artistique et littéraire qui lui vouaient un véritable culte.

“Je ne peux rien dire de bon sur la pièce elle-même… Mais comme cette Sarah joue ! Après les premiers mots de sa voix vibrante et belle, j’ai eu le sentiment que je la connaissais depuis des années. Rien de ce qu’elle aurait pu dire ne m’aurait surpris ; je croyais immédiatement la moindre de ses paroles… […] il est incroyable de voir quelles attitudes elle est capable de prendre et comment chaque membre et chaque articulation joue avec elle. Un être étrange ; il m’est facile d’imaginer qu’elle n’a nullement besoin d’être autre à la ville qu’à la scène”, écrivait en 1885 Sigmund Freud à sa fiancée.
Par-delà le mythe, nous redécouvrons l’actrice et les grands rôles qui marquèrent sa carrière, à travers affiches, photographies, costumes et maquettes : Gismonda, La Dame aux camélias, Théodora, La Tosca, Cléopâtre, Jeanne d’Arc, Médée, Phèdre…, ainsi que les rôles de travesti dans lesquels elle fit merveille (1) :  Hamlet, Lorenzaccio, et “L’Aiglon” (1900) qu’Edmond Rostand écrivit spécialement pour elle. À 56 ans, elle y interprétait le fils de Napoléon, mort à 21 ans sans avoir régné. La pièce fut un véritable triomphe, dépassa le millier de représentations et fit même l’objet de produits dérivés. Le répertoire de Sarah Bernhardt comprenait aussi bien Shakespeare et Racine que des auteurs de son temps, tels Victor Hugo et Alexandre Dumas fils, ou encore Victorien Sardou qui lui écrivait des pièces sur mesure, lui offrant de merveilleuses scènes d’agonie dans lesquelles elle excellait.

La belle découverte de cette exposition foisonnante, c’est la Sarah Bernhardt peintre et sculptrice. Une reconstitution de son atelier, avec la présentation inédite d’une quinzaine de ses œuvres, ainsi que les sculptures en bronze inspirées de la faune et de la flore de Belle-Île-en-Mer exposées en fin de parcours attestent, là encore, du talent de la dame. Une sculpture s’avère particulièrement émouvante : le “Portrait funéraire de Jacques Damala” (vers 1889). Il s’agit d’une tête de profil en marbre, telle la tête coupée d’un Saint Jean-Baptiste, entourée d’un linceul et posée sur un lit de roses. Le visage est paisible, les traits d’une belle délicatesse. Une grande douceur se dégage de l’ensemble. Il s’agit du mari de Sarah Bernhardt, ce jeune attaché d’ambassade, de 9 ans son cadet, dont elle tomba follement amoureuse et qu’elle épousa en 1882, à l’âge de 38 ans. Il était beau et voulait faire du théâtre. Le mariage fut un échec. L’homme était volage et morphinomane. Il décéda d’une overdose à 34 ans.

Cent ans après sa mort, c’est une Sarah Bernhardt encore plus fascinante que sa légende qui s’offre à nous. Une femme libre et déterminée, aux talents multiples!

Isabelle Fauvel

(1) Le rôle du troubadour Zanetto dans “Le Passant” de François Coppée lui valut son premier grand succès théâtral en 1869.

“Sarah Bernhardt Et la femme créa la star” jusqu’au 27 août 2023 au Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris Avenue Winston Churchill 75008 Paris, du mardi au dimanche de 10h à 18h, nocturne les vendredis et samedis jusqu’à 20h.
Catalogue de l’exposition, 256 pages, 250 illustrations, Éditions Paris Musées, 39 euros.

Crédits images (dans l’ordre):
Georges Clairin Portrait de Sarah Bernhardt 1876 © Paris Musées Petit Palais
Mucha La Dame aux camélias 1896 © Paris Musées Musée Carnavalet- Histoire de Paris
Sarah Bernhardt sculptant Photo © BnF, Dist. RMN-Grand Palais image BnF
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Une réponse à Sarah Bernhardt, la star aux mille et une facettes

  1. anne chantal dit :

    Remarquables commentaires sur la grande Dame…
    J’ai ressenti exactement les mêmes choses en allant la saluer au Petit Palais ..
    Peut-être ont ils été un peu trop discrets sur son fils Maurice ?

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