Quelle que soit son époque et quelle que soit sa civilisation, l’être humain a utilisé tous les matériaux et toutes les techniques possibles dans le seul but de créer des machines à faire du son. Dans ce domaine, son imagination a été sans limites. C’est la première impression que ressent le visiteur en découvrant le Musée de la musique de Paris, récemment rouvert après une toute nouvelle présentation confirmant sa place parmi les plus riches collections publiques au monde. Le nouveau parcours accorde notamment une place plus importante aux musiques des autres civilisations. Ce qui permet d’atténuer la frontière souvent artificielle établie entre musiques savantes et musiques populaires, tant il est vrai que toute musique est savante puisqu’elle obéit à chaque fois à des règles admises par toute une communauté. Un exemple parmi cent autres. Les « métallophones », le plus souvent appelés sanza ou encore kalimba, très répandus en Afrique. Il s’agit de lamelles métalliques reposant sur une caisse de résonance de nature diverse (souvent une calebasse) et que le musicien fait vibrer avec ses doigts.
Le Musée de la musique n’en présente pas moins de trente-cinq modèles, tous différents, en provenance de pays d’Afrique dont la Tanzanie, le Cameroun, ou la République démocratique du Congo. Pour la plupart, ces objets artisanaux datent du XIXe ou du XXe siècle, mais leur usage est beaucoup plus ancien puisque des recherches archéologiques attestent sa présence au Ve siècle sur le continent. Chaque instrument a son accord, et chaque instrumentiste sa technique. Pour fruste qu’elle semble, la sanza n’est pas tombée en désuétude, puisque certains musiciens professionnels l’ont aujourd’hui électrifiée. Les Français en ont même fait un instrument récréatif sous le nom de « piano à pouces ».
Il n’est pas rare qu’en traversant les continents, ou simplement en passant d’un pays à l’autre, la musique enrichisse singulièrement son langage. L’histoire du banjo est particulièrement significative. Aujourd’hui étroitement associé à la musique populaire nord américaine, l’instrument possède en réalité de lointaines origines africaines. Son arrivée sur le nouveau continent via les Caraïbes a été le fait d’éléments africains esclavagisés, comme l’atteste un rarissime instrument du musée, rapporté d’Haïti en 1841.
En ce qui concerne la guitare -certainement aujourd’hui l’instrument le plus populaire au monde- le musée possède des pièces d’exception, comme un modèle de 1883 signé du luthier andalou Antonio de Torres, considéré à juste titre comme le père de la lutherie espagnole moderne. On trouvera aussi une guitare ayant appartenu à Ida Presti, qui avait formé avec Alexandre Lagoya un duo très populaire au XXe siècle, et surtout un instrument légendaire: la guitare du luthier français Jean-Nicolas Grobert (vers 1830) portant à la fois la signature de Niccoló Paganini et celle d’Hector Berlioz.
Si l’instrument a connu un extraordinaire renouveau dans la deuxième partie du XXe siècle, cela n’a pas empêché les cordophones de la même famille de poursuivre leurs carrières dans les différents pays d’Amérique latine. Ici encore, la variété est grande, depuis le populaire « Tres » de Cuba jusqu’au « Requinto » de Colombie, en passant par le « Cuatro » de Porto Rico ou encore le célèbre « Charango » dont la caisse de résonance est formée d’une carapace de tatou.
Le « nouveau » musée met ainsi l’accent sur la circulation des musiques autant que sur les instruments eux-mêmes. D’où l’idée de « vitrines carrefours » où se rencontrent par exemple, de façon quasi naturelle, oud oriental et luth de la Renaissance (photo ci-contre).
Le musée a pris soin également de mentionner les différents collectionneurs qui ont aidé à la constitution de cet exceptionnel ensemble de 9.000 pièces dont 900 sont exposées au public. Depuis Victor Schœlcher (1804-1893), qui s’illustra autant dans son combat contre l’esclavage que dans la collecte d’instruments inconnus en Europe, jusqu’à Bruno Montanaro, qui, dès les années 1960, étudia minutieusement pendant plus d’un demi-siècle l’instrumentarium d’Amérique latine, c’est une sorte de concert planétaire que nous offre ainsi le musée de Paris. Comme une utopie qui dépasse peut-être le simple fait musical et dont chacun peut aujourd’hui comprendre la nécessité.
Gérard Goutierre
Merci pour cette belle présentation
On connaît la Philharmonie bien sûr mais
elle éclipse le reste de la Cité de la musique
Merci de nous rappeler cette visite « incontournable » pour les oreilles mélomanes..
Sans oublier , si vous passez à Bruxelles, de visiter « leur » magnifique musée de la musique, dans l’ancien immeuble « Old England », somptueusement réhabilité.
Merci pour cet article qui donne envie d’aller y pointer yeux et oreilles…mais effectivement je garde un excellent souvenir de celui de Bruxelles….