Son pesant d’or

En promettant qu’il allait protéger son pays avec un dôme d’or, Donald Trump savait-il toute la symbolique qui se rattachait au métal précieux depuis des millénaires? La matière était-elle choisie par un instinct de sécurité lié au mot, inclus dans l’ADN d’un peu tout le monde depuis les Étrusques? En 1969, les deux auteurs du dictionnaire des symboles, Jean Chevalier et Alain Gheerbrant s’étaient arrêtés sur le mot, juste après « onyx » et juste avant « orage ». L’or, expliquaient-ils dans cet ouvrage copieux, a toujours été synonyme de perfection, sur la première marche du podium des symboles. Il était la chair des dieux, des pharaons et Bouddha n’était pas autrement représenté qu’avec le métal jaune. Il est la lumière, la connaissance, susceptible d’utilisation en drogue, d’être bon pour l’immortalité et efficace contre la perte des cheveux. Fadaises, fadaises, au point qu’aujourd’hui, l’or est avant tout un placement, celui qui met à l’abri des tempêtes et c’est dans cette notion de blindage bien sûr que l’on vient de l’associer à un dôme, sachant que le dôme de fer était déjà pris.

Ce qui n’est pas sans nous rappeler l’histoire des trois petits cochons cherchant à se protéger du loup, l’un échafaudant une cabane de paille, l’autre de bois et le dernier de briques. Trump (1) aurait pu évoquer un dôme de brique, mais l’image aurait fait un peu maçon. Mais il a préféré l’or (pas le noir…) ce qui conduira d’autres pays à se trouver une autre matière symbolique, sauf à se voir désigner comme des imitateurs. On est en tout cas très loin des Dogons et des Bambaras pour lesquels, toujours selon le dictionnaire des symboles, l’or était la « quintessence du cuivre rouge » mais surtout « la vibration originelle matérialisée de l’esprit de Dieu ». Cela avait un peu plus de classe.

On peut se référer aussi à Midas, roi de Phrygie, quelques siècles avant Jésus-Christ qui entretenait sa réputation de tout pouvoir changer en or. Manquant mourir de soif, il fut sauvé par Dyonisos qui l’obligea à se baigner dans la rivière Pactole, laquelle charrie depuis, des paillettes d’or. Un détail qu’ignorait une édile parisienne lorsque l’on lui rappela avec ironie qu’au contraire de Midas elle transformait l’or de Paris en plomb. Sa réponse saugrenue laissa entendre que le nom de ce roi lui évoquait d’avantage une enseigne spécialisée dans les pots d’échappement. Dans leurs tombes, certains ont dû bien se gondoler.

Le sujet est en tout cas d’une grande profondeur pour ceux qui voient plus loin qu’un produit de placement ou de couronne dentaire. Parce que ce métal a toujours fasciné l’humanité, y compris les artistes ou les écrivains. Ne serait-ce que Gustav Klimt (1862-1918) peintre connu pour utiliser des feuilles d’or, éléments de décoration par ailleurs très anciens. Une des caractéristiques de l’or étant qu’avec fort peu de matière, on obtient beaucoup de feuilles soit 12 mètres carrés de lamelles avec trente grammes, d’après les connaisseurs. Possibilité qui stimule la création mais pouvant conduire à attraper une fièvre spécifique, à même de tuer un proche pour quelques grammes. Dans l’histoire, des populations entières ont été décimées pour l’appât d’or. Cela motivait les guerres et l’invasion de la Gaule par les Romains, incluait cette basse motivation.

Il vaut mieux en rêver avec Baudelaire, lequel dans « Les fleurs du mal », écrivait ceci: « Les soleils couchants/Revêtent les champs/Les canaux, la ville entière/d’hyacinthe et d’or…/. Une échappée autrement bienfaisante que celle de Montesquieu qui rattachait la possession de lingots à l’avarice, leur détenteur craignant toujours de les perdre. Ils sont présentés comme indestructibles mais, pour information, l’eau régale (mélange d’acide chlorhydrique et d’acide nitrique) les dissout.

Nous sommes faibles face à l’or. Shakespeare dans « Un conte d’hiver » en parlait comme d’une « caresse irrésistible ». Mais pour en revenir au « dôme d’or » que l’on cherche à échafauder de l’autre côté de l’Atlantique, ce n’est pas le même genre d’attirance. Encore nous parlerait-on d’un dôme en tiramisu, en crumble aux abricots, en douces meringues blanches ou en brioches beurrées, sans doute pourrions-nous davantage écouter et saliver. Construisez-le donc votre dôme anti-tout, suspendez-là votre moustiquaire pailletée de chrysocales, pendant que nous sommes à table. Si peu nous en chaut de vos rodomontades.

PHB

(1) Trump qui a offert une clé en or pour son départ à Elon Musk
Photo: ©PHB

 

 

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