Henri Rouart, le peintre des arbres

Les sapins en bonnets pointus/De longues robes revêtus
Comme des astrologues/Saluent leurs frères abattus… 

Témoin secret de nos joies et de nos peines, muet confident de nos aveux, l’arbre a de tous temps inspiré plumes (ici Apollinaire) et pinceaux…  Le musée Marmottan  expose encore jusqu’au 11 novembre une quarantaine de toiles d’Henri  Rouart  en hommage à ce « peintre des arbres » et à l’occasion du centenaire de sa mort. L’arbre était en effet le sujet préféré de l’artiste. Il  a immortalisé ce végétal aux différentes heures du jour et périodes de l’année, le portraiturant  isolé ou en bosquets, en plaine ou en montagne, en bordure de rivière ou en lisière de forêt.  Il installait son chevalet tantôt à Barbizon (QG des impressionnistes), tantôt à La Queue-en-Brie ou à Melun, deux lieux de villégiature familiale.

Arbuste devant la maison de La Queue-en Brie /Huile sur toile /Collection particulière /©Christian Baraja, studio SLB

Compagnon de route des impressionnistes et  parent par alliance des Manet-Morisot, cet ancien copiste au Louvre devenu peintre et collectionneur se montra de son vivant moins soucieux de promouvoir ses œuvres que de mettre en valeur celles des autres. Au premier rang desquelles celles de son ami Degas, dont il fit la connaissance au lycée, l’approfondissant à l’armée. Degas fera d’ailleurs son portrait en barbu posant devant la cheminée de son usine.

Hommage à l’amitié durable, le musée réunit deux hommes que tout séparait, hormis la passion de la collection. Degas le juriste était un farouche sédentaire quand Rouart le polytechnicien aimait voyager – palettes, carnet de croquis et boîtes d’aquarelle à portée de main. Le premier ne se plaisait qu’en ville alors que  le second appréciait la campagne. Leur goût différait jusqu’à leur couleur de prédilection, plutôt le brun pour Degas, le vert  avant tout pour Rouart. Deux couleurs faites pour s’assembler  comme tronc et feuillage.

Henri Rouart a exploité toute la gamme chromatique des verts, couleur omniprésente dans la nature et pourtant variante à l’infini selon l’éclairage et le végétal. Vert tilleul, olive, amande, absinthe, malachite, émeraude… On imagine l’artiste mélangeant à l’infini les bleus et les jaunes pour obtenir enfin la nuance recherchée, la fameuse green notequi rendra plus vrai que nature le vivant contraste entre les espèces, qui illuminera  la prairie, qui approfondira le mystère des grands arbres en bordure de forêt. Deux toiles illustrent l’exercice : symphonie de verts dans « Les arbres », dominante plus sombre dans  le « Chemin au Mée « , un sentier faiblement éclairé par le rai de lumière filtrant depuis  le sous-bois.  Une gamme de couleur pour tout un paysage…

Un moulin par Henri Rouart, photo: Guillemette de Fos

Pour rester dans les verts, notre tableau préféré, exposé à contre jour, ne figure pas au catalogue. Et son rendu sur  la photo est loin d’égaler l’éblouissement de sa découverte.  Il représente un moulin pied dans l’eau. La toile offre une double entrée de lumière avec à droite un pré qui descend  en pente douce vers la rive, à gauche le bâtiment qu’éclaire le jour et qui se reflète pigment pour pigment dans l’eau paisible. La peinture est reposante sans être froide. C’est le fruit d’un alliage parfait entre le feu des jaunes et  la fraîcheur des bleus.       

Œuvre atypique de Rouart, peintre des champs, sa « Vue de Rouen « . Ce petit tableau (36 x 52 cm) traduit en sobres mais sombres nuances le passage d’un remorqueur dont les épaisses fumées se reflètent dans les eaux grises du port. Une toile couleur de cendres lourdement encadrée que Degas le citadin appréciait au point de l’accrocher à ses murs. Quand l’amitié se nourrit de contrastes…  

Le Musée Marmottan

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Une réponse à Henri Rouart, le peintre des arbres

  1. Bruno Philip dit :

    J’aime beaucoup beaucoup cet arbuste cette maison cette lumière ce raffinement dans les nuances

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