Chagall agrandi

Détail d'une oeuvre de Marc Chagall. Musée d'art moderne de Troyes. Photo: Les Soirées de ParisMarc Chagall avait poussé assez loin le sens pas si fréquent de la décoration. Son primitivisme, qui s’affiche actuellement au Musée d’Art Moderne de Troyes, n’est pas sans rappeler le style lointain des grottes ornées. Ses couleurs profuses, ses représentations symboliques, poussent le genre d’autant plus loin, que le musée propose la transposition de ses œuvres peintes sur des tapisseries géantes. L’occasion est bonne de faire un saut à Troyes, cette bien jolie ville, vivifiante comme son champagne.

L’arrivée de l’artiste russe en France, coïncide avec une époque (1911/1914) proprement fondamentale pour l’art en ce qu’elle se caractérise par différents courants picturaux majeurs. Il y rencontre des artistes solaires comme  les Delaunay et d’autres personnalités importantes comme Fernand Léger ou Chaïm Soutine et se fait aussi repérer par Apollinaire auquel une de ses peintures rendra d’ailleurs hommage.

Il faudra attendre la fin des années cinquante pour que Chagall s’intéresse à la transposition de ses œuvres sur de la céramique, du vitrail et la mosaïque. Comme le démontre l’exposition du musée de Troyes, le transfert sur une tapisserie va de pair avec un agrandissement spectaculaire de la peinture initiale. Banale en photographie, l’opération pique ici la curiosité et suscite l’étonnement.

Sa première expérience dans ce domaine est une déception relative. C’est le gouvernement israélien qui lui passe une commande pour la décoration de son parlement et ce sont les Gobelins qui exécutent l’opération. Techniquement, les liciers de la manufacture ont fait un travail irréprochable mais l’ensemble souffre d’une adaptation chromatique hésitante.

Détail d'une oeuvre tissée de Marc Chagall. Photo: LSDP

Détail d’une oeuvre tissée de Marc Chagall. Photo: LSDP

C’est alors que Chagall fait en 1964 la connaissance de Yvette Cauquil-Prince. De son empathie pour l’artiste résulte une traduction cette fois impressionnante de l’œuvre de départ. Les tapisseries font compliment. Une telle amplification, qui se compte en mètres carrés, ne pardonne aucun défaut qu’une miniature saurait dissimuler.

En outre, comme il nous est expliqué « En sa qualité de maître d’œuvre, et non de cartonnier ou de simple licier, Yvette Cauquil-Prince ne limite pas son intervention à la reproduction d’un modèle ni à son agrandissement. Elle propose, par le changement de médium et de format, une autre lecture de l’œuvre originale. »

Chagall est satisfait du résultat et pour le visiteur de Paris, l’intérêt est grand de s’approcher de la tapisserie et non de s’en éloigner pour obtenir une vue d’ensemble. Car le nez sur les détails, c’est ainsi que l’on décompose ainsi plusieurs œuvres dans l’œuvre.

On n’oubliera pas de profiter à fond de ce très beau musée qui jouxte la cathédrale et notamment de sa collection permanente qui provient d’un don de l’industriel et collectionneur Pierre Lévy. Il y a là-bas de très belles peintures de Fernand Léger, Vlaminck, Van Dongen, Bonnard, Gris ou encore Derain, une rareté (du moins en France) de Francisco Borès, ainsi qu’une toile de Dufy propre à rehausser n’importe quel moral en berne.

« De la palette au métier ». Jusqu’au 15 janvier. Musée d’Art Moderne de Troyes.

PS : Il ne faut pas hésiter à s’attabler à Troyes. L’on y mange très bien. C’est dans cette région aussi, qu’en plus d’un excellent champagne, on peut goûter le vin des Riceys, un rosé souvent considéré comme l’un des meilleurs du monde. Ce qui est vrai.

Détail d'une oeuvre tissée de Chagall au Musée d'Art Moderne de Troyes. Photo: Les Soirées de Paris

Détail d’une oeuvre tissée de Chagall au Musée d’Art Moderne de Troyes. Photo: LSDP

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