A La Baule, un homme veille encore sur Apollinaire

Jacques Doucet s’est appliqué un jour à retrouver la villa bauloise dans laquelle avait séjourné Guillaume Apollinaire. Il en a même fait un livre justement titré «Apollinaire à La Baule» suivi des séjours que fit le poète en Bretagne.

Ecrivain et poète lui-même, Jacques Doucet est toujours habitant de La Baule à l’heure où ces lignes sont écrites. Son petit livre a été publié en l’an 2000. A partir de quelques indications, notamment une correspondance d’Apollinaire à Marie Laurencin dans laquelle le poète évoque une certaine villa «Printania», il finit par dénicher la fameuse villa dont le nom s’était mué en «Emeraude».

La villa où a séjourné Apollinaire à La Baule. Photo: Philippe Bonnet

Les Soirées de Paris l’ont photographiée. C’est une maison de début de siècle (20e) qui devait être  neuve d’à peine 10 ans lorsqu’Apollinaire y débarqua le 20 août 1913 dans la foulée de son séjour à Villequier en Normandie. Elle est au 27 avenue de Châteaubriant, non loin de la plage. Elle n’a plus de nom de baptême.

Bien entendu il y écrit. Jacques Doucet a repris dans son livre quelques vers baulois qui furent publiés par le journal L’Intransigeant en septembre 1913 mais adressés dans un premier temps à Louise Faure Favier.

Je suis au bord de l’océan sur une plage/Fin d’été : je vois fuir les oiseaux de passage/Les flots en s’en allant ont laissé des lingots : Les méduses d’argent. Il passe des cargos/Sur l’horizon lointain et je cherche ces rimes/Tandis que le vent meurt dans les pins maritimes.

Guillaume Apollinaire ne s’était pas seulement déplacé à La Baule pour versifier l’ambiance estivale de la station balnéaire toute neuve. A la villa Printania, il devait surtout y retrouver son ami Serge Férat de son vrai nom Jastrebzoff et la sœur de ce dernier, la baronne d’Oettingen. Serge Férat et Hélène d’Oetttingen ont de l’argent et Guillaume Apollinaire en a besoin pour Les Soirées de Paris dont les finances ne sont pas bonnes. Les négociations ne furent probablement pas bien longues et les Soirées seront bien relancées à l’automne 1913 grâce à ses deux amis. Il rentrera à Paris à la fin de l’été car il sera témoin de mariage du peintre futuriste Gino Severini.

On peut facilement trouver Jacques Doucet à la Croisette, qui semble être un des lieux névralgiques de La Baule. A 89 ans (en 2011), il est ce que l’on pourrait appeler, un témoin de deuxième niveau. C’est à dire que Jacques Doucet a connu ou croisé des gens qui ont connu Apollinaire. Des gens comme le poète Paul Eluard qu’il est allé voir chez lui rue de la Chapelle en 1946 ou encore comme Aragon qu’il a fréquenté après la Libération au Comité National des Ecrivains.

Jacques Doucet à La Baule en juillet 2011. Photo: Philippe Bonnet

Malgré les encouragements de Jean Paulhan, Eluard, Aragon, ou encore Claude Roy, Jacques Doucet n’a pas eu la chance de vivre de sa plume et a dû, durant de longues années, s’abîmer la santé intellectuelle dans des tâches bureaucratiques ingrates. Dès sa retraite en 1982, il s’est remis à l’écriture et maintient toujours son cap créatif depuis La Baule où il s’est installé en 1989.Quelques manuscrits attendent aujourd’hui chez lui l’intérêt d’un éditeur comme l’histoire de Marie de Régnier (fille de José Maria de Hérédia) et de ses multiples amants. Il est aussi l’auteur d’un magnifique et sensible «Croquis Lyriques» où il dresse avec bonheur le portrait d’écrivains, poètes ou éditeurs.

Voilà un poète vivant qui déambule encore dans les rues de La Baule. Il est l’ombre portée d’une époque qui s’évanouit lentement.

La Baule les Pins. Aspect de la petite gare. Photo: Philippe Bonnet

Post-scriptum : « Apollinaire à la Baule » a été préfacé par Michel Décaudin, le plus exigeant des biographes du poète. Ce qui revient à une approbation indiscutable du travail réalisé par Jacques Doucet. Une onction papale.

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5 réponses à A La Baule, un homme veille encore sur Apollinaire

  1. jmcedro dit :

    Mais il faut la faire publier, la vie de Marie de Heredia (même s’il y en a déjà une ou deux) ! Il a peut-être des documents inédits. Qui n’est pas tombé amoureux de la belle après avoir admiré sa fameuse photo de nu…

  2. curt dit :

    tous ces textes sont délicieux, ne demandant rien que d’être lus, et photographies.. sans commentaire, si belles et sans l’afficher : c’est le charme et la poesie des soirées de paris.
    merci philippe bonnet de faire ainsi, pour tous, tout très choisi, et pour rien aussi (je ne parle pas pas d’argent mais de cette oeuvre mosaïque d’un temps différent; donc essentiel : une sorte d’esthétisme et d’éthique pure.
    seuls les détails comptent.
    merci, ces lectures sont très « réconciliantes » avec le temps.

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  5. Gaëlle Colin dit :

    Bonjour,

    Je travaille au journal Ouest-France de La Baule, et je souhaiterai raconter cette histoire. Malheureusement, Jacques Doucet est aujourd’hui décédé. Pouvez-vous me rappeler s’il vous plaît, afin que nous puissions échanger ?

    Cordialement

    Gaëlle Colin

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