Etival rejoue le 26 octobre 1912

Lointaine collaboratrice des Soirées de Paris, Gabrielle Buffet-Picabia (1881-1985) accueillait le 26 octobre 1912 dans sa maison d’Etival (Jura), Guillaume Apollinaire, Francis Picabia et Marcel Duchamp, venus en voiture de Paris. Des échanges littéraires et artistiques qui ont eu lieu durant ce séjour, sera notamment issu le fameux livre de Guillaume Apollinaire sur le cubisme. La commune d’Etival et les descendants de Gabrielle Buffet-Picabia, ont décidé de créer l’événement «Route Jura-Paris» à l’occasion du centenaire de ce déplacement épique. Un repérage s’imposait dans ce village à tout point de vue touché par la grâce.

Il fallait toute la dextérité et l’énergie de Francis Picabia pour joindre, par mauvais temps, la ville d’Etival en octobre 1912. En ces temps on partait souvent accompagné d’un mécanicien. La maison dans laquelle les trois amis ont séjourné existe toujours bien sûr, c’est même le point névralgique de l’événement. Elle est actuellement habitée par Armelle Bailly-Cowell, dont le mari était le petit fils de Gabrielle Buffet-Picabia.

Pénétrer dans le salon de cette maison multiséculaire provoque nécessairement une émotion pour qui sait. C’est ici en effet, dans cette pièce dont l’agencement n’a pratiquement pas varié depuis 100 ans, qu’à la demande de l’hôtesse des lieux, Guillaume Apollinaire déclama peut-être pour la première fois «Zone» le poème liminaire d’ «Alcools», son recueil majeur de poésie publié en 1913. Et ce poème sera publié peu après dans Les Soirées de Paris dont il assurait la direction.

Reproduction d’un portrait de Guillaume Apollinaire par Marcel Duchamp. Photo: Les Soirées de Paris

Comme Gabrielle Buffet, qui raconte cette scène dans un livre, lui demandait quel en était le titre, il répondit «Zone». Ce qui n’était pas un détail. Car il se trouve qu’à proximité d’Etival et incidemment grâce à Voltaire, une zone franche avait été créée où l’on pouvait entre autres choses acheter du tabac moins cher. Du reste on retrouvera aussi ce mot dans un calligramme d’Apollinaire qui disait «Et je fume du tabac de zone».

C’est dans cette maison où se sont succédé des lignées d’artistes que se déroulera la plupart des manifestations du centenaire, les 5, 6 et 7 octobre. Les dates choisies sont en léger décalage avec l’histoire afin d’encourager la météo à se montrer clémente. Sont prévues des performances d’artistes, des conférences par des spécialistes de l’art ou de la poésie  et une interview inédite de Marcel Duchamp, artiste plasticien que le poète André Breton considérait par ailleurs comme «l’homme le plus intelligent du siècle».

Apollinaire a dû apprécier son séjour là-bas. Depuis le salon, la vue qui donne sur la belle campagne jurassienne est superbe et ses perspectives sont autant de lignes de fuites vers l’horizon. La région est également connue pour sa gastronomie et ses morilles ce qui peut constituer aujourd’hui comme en 1912, une motivation sérieuse.

PHB

PS : A noter que l’événement, bien qu’à taille humaine, est preneur de soutiens financiers et/ou de sponsors. Les personnes intéressées peuvent se manifester à l’adresse suivante : RESSORT INTERNATIONAL/35 route de Prénovel/39130 ETIVAL ou ressort.international@gmail.com

PS2: Ecouter et voir un témoin du dadaïsme ayant connu Apollinaire, Picabia et Duchamp? Ecouter et voir Gabrielle Buffet? C’est par ici.

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5 réponses à Etival rejoue le 26 octobre 1912

  1. Gérard H. Goutierre dit :

    Une pièce maîtresse à verser au dossier ! Voilà qui donne bougrement envie de prendre la direction du Jura…

  2. MAZEL Dominique dit :

    J’ai lu, le mois dernier, le texte écrit par Gabrielle Buffet sur cet épisode jurassien. Picabia étant fou de voitures et très compétent en ce registre comme dans d’autres, cela explique sans doute l’absence de mécanicien! et la présence d’autres passagers devenus illustres (Apollinaire l’était déjà, mais beaucoup moins Duchamp).
    Il reste que l’érudition de Guillaume avait fort impressionné la dame (Voltaire, la zone…) et qu’il est fort émouvant de devoir à ce séjour le nom du poème le plus emblématique d’Alcools! J’espère qu’outre le mois prochain les lieux resteront accessibles? Le recueil d’ « Alcools » étant célébré nationalement en 2013…

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