Une anthologie de la BD érotique qui se lit et se… trie

Lorsque Vincent Bernière a composé son anthologie de la BD érotique, il a eu le bon goût de ne pas oublier, parmi les auteurs retenus, Philippe Bertrand. Cette anthologie, éditée par Beaux Arts Edition ce qui peut se comprendre puisque Vincent Bernière collabore à Beaux Arts Magazine, pouvait en effet difficilement faire l’impasse sur cet auteur à part, disparu récemment, qui racontait des histoires étranges avec un esthétisme tout autant décalé que saisissant.

Image extraite de "Linda aime l'art" dans l'Anthologie de la BD érotique. Photo: Les Soirées de Paris.

Chaque image de Philippe Bertrand, érotique ou non, charme inévitablement celui ou celle qui les regarde par ses coloris choisis, l’élégance raffinée et quelque peu décadente de ses personnages. Sa série «Linda aime l’art», apparue dans les années 80, se regarde si agréablement que l’intervention de scènes sensuelles ne sont que constitutives d’un tout diablement séduisant. L’auteur a disparu récemment. Il est dommage que Vincent Bernière ne lui ait pas réservé une place plus grande dans cette anthologie de quelque 360 pages.

Il n’est à sa décharge pas simple d’embrasser le monde si vaste de la bande dessinée érotique. Afin d’aider le lecteur à s’y retrouver il a divisé son ouvrage en plusieurs parties thématiques : «soft», «chic», «trash», «rigolo» et «autobio». A vrai dire et à le feuilleter tout est question de préférence personnelle et certains pourront se croire dans le «soft» alors qu’ils se trouvent dans le «trash» et inversement.

Image extraite de la "Survivante" par Paul Gillon dans l'Anthologie de la BD érotique. Photo: Les Soirées de Paris.

Sans surprise on y trouvera Manara et son fameux déclic (dans la catégorie «chic»), de même que Martin Veyron ou l’imaginatif Paul Gillon dont l’héroïne gravement sexy  campe une survivante qui n’a plus pour partenaire qu’un robot des plus attentionnés. L’auteur qui pensait qu’il n’était pas forcément besoin de déshabiller une femme pour la rendre érotique avouait en 1976 son tempérament pudique et sa peur d’être vulgaire. Un postulat pas loin d’être idéal au fond pour donner une saveur sensuelle, précisément, à son héroïne.

Attention, nous sommes ici quand même, dans une réunion d’auteurs, dont les pages choisies sont complètement explicites. Cette anthologie ne pratique pas l’évitement. C’est notamment vrai pour Alex Varenne, Kake (qui débute la série «trash») ou encore Matthias Schultheiss.

Image extraite de "Péchés mignons" par Arthur de Pins, dans l'Anthologie de la BD érotique. Photo: Les Soirées de Paris.

Dans la catégorie «rigolo», il y a nécessité de se munir de pincettes tant l’addition de l’humour dans la chose  n’est pas des plus évidents. Tintin ou Blanche Neige en position gaillarde, admettons mais passons. Les «Péchés mignons» de Arthur de Pins arrivent en revanche à relever ce pari délicat. Cet auteur est notamment visible dans «Fluide Glacial», un magazine qui a perdu de sa splendeur, mais qui sauve souvent les meubles avec cet Arthur de Pins qui se fait parfois aider dans ses scénarios par une certaine Maïa Mazaurette.

Image extraite de "Comtesse" par Aude Picault dans l'Anthologie de la BD érotique. Photo: Les Soirées de Paris

Pour finir dans cette série censée être rigolote, on se demande un peu pourquoi l’on y trouve Aude Picault, laquelle donne de son côté dans un drôle de surréalisme mâtiné de Comtesse de Ségur ce qui, on l’avouera frôle la performance ou à tout le moins, emboutit avec talent les codes du genre jusqu’à les faire exploser, mais oui, parfaitement.

Cette anthologie de la BD érotique se lit tout autant qu’elle se trie.  Comme le rappelle à juste titre l’auteur, la reine Victoria, en 1857 avait fait voter sans rire une chose restrictive qui s’appelait l’Obscene Publications Act transformant en délit toute considération inappropriée d’image sexuellement allusive. Profitons donc de notre liberté, la censure des années 70 est encore visible dans le rétroviseur, ne la laissons pas revenir à notre hauteur.

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2 réponses à Une anthologie de la BD érotique qui se lit et se… trie

  1. Pierre DERENNE dit :

    Une édition en braille est-elle prévue ? 😉

  2. Ping : La BD érotique avait son alibi | Les Soirées de Paris

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