L’osso bucco des deux rives

La bête un peu falote se farde aux additifs
Au piano elle s’imprègne de mélanges fruitifs.
A fréquenter l’agrume, il est prouvé qu’elle gagne
Sur son dos l’Italie s’enrichit de l’Espagne.

Plat traditionnel milanais, l’osso bucco (« os troué ») tire son nom de son principal ingrédient : un tronçon de jarret de veau avec os dont la moelle donne au plat sa saveur particulière. Pour réaliser cette recette lombarde,  le boucher propose donc  des tranches de jarret. Mais d’autres morceaux du broutard, en particulier ceux utilisés pour faire le sauté, font également l’affaire. Moins gras, ils préservent nos artères… In medio stat virtus, l’idéal  consiste à panacher tronçons gras et morceaux maigres, sans bien sûr oublier le ou les fameux os à moelle.

La jeune vache s’étant servie de quatre membres pour brouter sans trop ruminer la vie,  je suggère quatre tranches de jarrets bien ossus que complètent  des morceaux de noix, de filet et/ou d’épaule. La réincarnation du veau dans l’assiette ! 

Pour offrir une belle seconde existence à l’animal, rien de mieux que de le faire passer du pré au verger. De lui faire in extremis  goûter une pomme d’or tout droit venue du jardin des Hespérides. Une belle orange blonde juteuse et sans pépins… Laquelle ne rechignera pas à tomber sur un os. 

Pour cette recette d’osso bucco à l’orange, prévoyez large. Pour six personnes, il vous faut environ 1,5 kg à 2 kg de viande, 750 grammes de carottes, une belle branche de cèleri, deux gros oignons, deux ou trois tomates mûres, une petite boîte de concentré de tomates, un demi verre de vin blanc sec, un verre de fond de veau et une orange ou plus si affinités avec  cet agrume. Une naranja de Valencia par exemple, bio bien sûr. Pour m’être rendue au-delà des Pyrénées et y avoir vu des horticulteurs disperser d’étonnants mélanges fluo sur leurs plantations (j’ai des photos !), j’exclus les produits non issus de l’agriculture biologique dès lors qu’ils sont en provenance d’Espagne.

 

Ces préconisations faites, passons à la recette. Coupez en julienne (petits  morceaux) les oignons, les tomates, la branche de cèleri et environ un tiers des carottes épluchées. Coupez en épaisses rondelles les  carottes restantes.  Dans une grande cocotte en fonte, faites rissoler les morceaux de viande dans un mélange huile/beurre. Une fois dorés, farinez-les, remuez  le tout en grattant bien le fond à la spatule de bois pour dégager les sucs. Ajoutez  les légumes, le grand verre de bouillon de veau, le demi-verre de vin blanc et la petite boîte de concentré de tomates.  

L’Osso bucco des deux rives. Photo: Guillemette de Fos

Puis dé-zestez finement une ou deux oranges.  Ajoutez  zestes, jus et pulpe du ou des agrumes à la préparation. Faites cuire à couvert et à feux doux une heure et demie environ. Si vous jugez  la sauce un peu acide, ajoutez-lui une cuillérée à soupe ou deux de crème fraîche, à mes yeux préférable au petit morceau de sucre censé combattre l’acidité cumulée de la tomate et de l’orange. Retirez de la cocotte les morceaux de viande, l’os à moelle ainsi que les carottes en rondelles.

Passez au mixer tout ce qui reste pour obtenir une sauce épaissie « naturellement  » et imprégnée des saveurs végétales et carnées. Remettez le tout dans la cocotte – morceaux de viande, os à moelle, carottes en rondelles et sauce épaissie – et faites chauffer ou réchauffer quelques minutes avant de servir.

Couronné de son os à moelle, entouré de sa petite cour de carottes attendries ayant pour lui les yeux de Chimène, le veau s’offre un destin royal.

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4 réponses à L’osso bucco des deux rives

  1. Bruno Philip dit :

    Ce côté italo hispanisant colle bien avec l’actualité romaine du jour. En attendant cette recette se lit avec bonheur.

  2. Bruno Sillard dit :

    Guillemette je passe prendre quelques affaires chez moi et j’arrive !
    Non, rassure-toi ! Mais voilà un jarret fort sympathique. Tu as raison de vouloir faire se batifoler le veau dans les champs, car en Italie, comme en Espagne d’ailleurs, on le préfère génisse ayant eu le temps de courir les prés. On le déguste, la chair tendre mais … rouge. Que je sache une seule région en France l’élève ainsi, la région de Saint-Etienne. Et la bête ainsi nommée « veau de Saint-Etienne » s’en va d’ailleurs au bout d’un an (je crois) en Italie régaler les Italiens. (Ben oui !)
    Cela dit on trouve du veau de Saint-Etienne dans quelques bonnes boucheries du Stéphanois. Je sais même quelques fermes… Mais ceci est une autre histoire.

    Et justement sais-tu que les vaches sont folles friandes de peaux d’orange. Un jour je visitais l’Inra près de Versailles. Je remarquais un tas de pelures d’orange. Une usine de Cointreau je crois (ou du Grand Marnier ?) en livrait régulièrement. Il suffisait de leurs en jeter quelques unes et les bestiaux devenaient fous se jetant goulument sur l’épluchure !

  3. de FOS dit :

    La mitonneuse que je suis (devenue) aurait trop peur, Bruno, de décevoir tes exigeantes papilles…
    Tu me fais bien rire avec ces vaches folles… de pelures d’orange. Mieux vaut scruter les prés que compter les bouses.
    Et merci pour ta culture culinaire, au moins égale à celle cinématographique. Bibi (chapeau féminin) bas !

  4. Philippe Bonnet dit :

    Je ne connaissais pas cette inclination des vaches pour la pelure d’orange. Un de mes neurones ne s’en trouve plus vacant. PHB

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