Par la racine

Pissenlit commun. Photo: Les Soirées de ParisLes sous-bois sont pleins de pissenlits dits communs. Quand ils déploient leurs aigrettes en une sphère parfaite, ils jouent une version imagée de la cosmogonie. Rien de moins. Le jaune de la fleur est certes joli, aimable. Mais cette ampoule évanescente qui largue ses petits princes en lucioles si légères en vue d’essaimer les alentours, nous fascine, pour peu que l’on s’en approche.

Cette beauté n’a qu’un ennemi, le « Sphinx du pissenlit » un papillon sans charme qui vole de jour de juin à août. Pour le reste, le pissenlit s’épanouit grâce à l’indifférence des passants et ne réjouit que les enfants et quelques amoureux qui voient dans l’envol de ses aigrettes des promesses plus mystérieuses que celles des bulles de savon.

Il est bien établi qu’une vie discrète est source de bonheur. Discrète mais non cachée puisque les pissenlits sont nombreux et comme tous les droits communs, il ont la même silhouette, le même costume.

Très résistants, plongeant en profondeur leurs racines dans le sol, ils nous survivront sans doute quand le refroidissement climatique aura pris tout le monde par surprise et en maillot de bain. C’est à ce moment-là que nous les mangerons « par la racine » comme le veut une expression populaire.  A noter, selon le Wiktionnaire, que les allemands préfèrent sur le même thème regarder les radis par en dessous (sich die Radieschen von unten ansehen) et que les Anglais pour se faire ont choisi de regarder pousser les marguerites (push up daisies).

Aigrettes de pissenlit. Photo: Les Soirées de Paris

Aigrettes de pissenlit. Photo: Les Soirées de Paris

Ah qu’il est difficile de disserter sur cette fleur, cette plante, ce taxon, ce pauvre pissenlit qui n’intéresse personne, à part pour en laver les feuilles riches en vitamine C, les assortir de lardons et assaisonner le tout d’huile et de vinaigre.

Heureusement que les Rolling Stones ont chanté « Dandelion » en 1967 (ou « dent de lion » autre nom du pissenlit), une chanson fort aérée qui disait incidemment « Dandelion make you wise », soit quelque chose entre sage et serein. Parce que le pissenlit « sait » et c’est bien pour cela que les gens avisés soignent leur haleine avant de les éparpiller et de tenter d’en décrypter les messages.

Quelle poésie se dégage de cette fleur qui guette le vent ou le souffle d’un enfant pour agrandir et agrandir encore un cercle de témoins qui jamais ne guettent les origines d’un univers dont ils sont finalement le modèle secret, l’expression délicate.

 

Dandelion.

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4 réponses à Par la racine

  1. Isabel dit :

    Où l’on apprend le premier sens du mot « aigrette ». Où l’on ecoute les Stones pour leur douceur. Une petite dose de poésie le vendredi, pour engager les promenades du we.

  2. Herve dit :

    Qu’il est doux de lire ces lignes poétiques sur un sujet aussi simple, sur une plante aussi commune et habituelle que nous voyons sans la regarder, sans en percevoir cette douce impression. Expérience littéraire à renouveler.

  3. Bruno Sillard dit :

    Douce et aimable ballade…

  4. de FOS dit :

    Quel joli morceau et quelle jolie photo !

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