La foule qui manifestait samedi 21 mars devant l’entrée du jardin des Serres d’Auteuil afin de protester contre le projet de construction d’un stade de 5000 places sur ce site classé était suffisamment volumineuse en début d’après-midi pour barrer la circulation de l’avenue Gordon Bennet. Une certaine fraîcheur, pimentée des fines particules qui font le bon air de Paris, ne l’avait pas découragée.
Les orateurs ont souligné l’absurdité consistant à détruire à grands frais le court central numéro un du stade Roland Garros pour construire une enceinte équivalente à toute proximité des serres historiques sur un ensemble dont chaque centimètre carré est pourtant protégé.
Il y a peu le Premier ministre avait apporté le plein soutien du gouvernement à ce projet de la Fédération française de tennis. Manuel Valls, grand amateur de tennis selon un récent papier du Monde, prenait parti ce faisant pour la maire de Paris Anne Hidalgo et contre sa ministre de l’écologie Ségolène Royal, laquelle prône de son côté une solution qui ne gênerait personne.
Au micro ce samedi, le représentant des Vieilles Maisons Françaises a rappelé qu’en 2006, l’ex-maire de Paris Bertrand Delanoë avait déclaré tout en soutenant le projet d’extension de Roland Garros : « il est exclu que le périmètre des Serres d’Auteuil, au demeurant protégé au titre de la législation sur les sites, soit en quoi que ce soit concerné par les activités du tournoi ». Il serait intéressant de comprendre pourquoi il a fini par changer radicalement d’avis tout en passant le flambeau à Anne Hidalgo.
Sans reprendre dans le détail tous les épisodes précédents, les carottes semblaient cuites pour les Serres d’Auteuil après la sortie fougueuse du premier ministre début mars. Mais il apparaît, avait raconté le Parisien dans l’une de ses éditions récentes, que cette affaire avait fini par réunir dans le camp des Jad (jardins à défendre) des élus du conseil municipal qui ne se fréquentent guère d’habitude, des écolos bien sûr, mais aussi le Front de gauche et des conseillers UMP. Un tour de force qui a contraint la maire de Paris à suivre le vœu formulé par Yves Contassot comme quoi il serait peut-être pertinent de regarder d’autres solutions, notamment celle consistant à couvrir une partie de l’autoroute A13 toute proche. Un vœu qui recommandait qu’une « étude complémentaire soit réalisée sur le projet alternatif par un organisme indépendant et non par la Fédération française de tennis, qu’un débat soit organisé et qu’il y ait un nouveau vote au Conseil de Paris. »
Avant cette trêve forcée, la FFT et la mairie de Paris ne cessaient d’argumenter au pilon dans les médias en laissant entendre que la candidature de Paris aux Jeux Olympiques était en jeu. La partie n’était pas trop compliquée dans la mesure où leurs adversaires, par ailleurs conciliants avoués à l’égard du sport et de Roland Garros, ne disposaient ni du même nombre de micros, ni de l’entraînement qu’ont les politiques à plaider et riposter sans jamais s’essouffler. L’entrée en lice de personnalités comme Ségolène Royal ou Yves Contassot avaient néanmoins rééquilibré la balance. Le permis de construire devant aboutir aux longs mois de nuisances liées à l’ampleur des travaux est donc remis à plus tard.
Il est tout de même dommage de constater d’une part que ce projet d’ampleur visant à priver les simples usagers d’un jardin d’une bonne partie de leur espace soit soutenu par une municipalité qui met la cause de l’environnement au premier rang de son action. Et ce alors que le tournoi de Roland Garros se déroulait à équipement égal, sans problèmes depuis quelques décades. D’autre part, il est triste de voir qu’un Premier ministre qui ne manque pas une occasion de rappeler (à juste titre) la nécessité de respecter les règles de la République, semble s’en affranchir pour une affaire somme toute mineure, comme s’il n’y avait pas de problèmes plus urgents à résoudre.
A l’initiative d’une pétition ayant réuni 63 000 souscripteurs au dernier pointage, Lise Bloch-Morhange rappelait ce samedi l’engagement par trois fois du dessinateur Cabu dans les pages de Charlie Hebdo en faveur des jardins des Serres d’Auteuil. Mais le mois de janvier 2015 est bien loin.
PHB