Dugny, l’arrière-boutique du Bourget

Aspect de la ville de Dugny. Photo: LSDPDugny c’est le salon du Bourget côté face. L’aérodrome partage cette petite localité de Seine Saint-Denis en deux. Durant une semaine ses habitants vivent un genre d’enfer sonore au point que pour cette raison, les écoles sont évacuées. Pourtant les enfants sont là car c’est mercredi. Ils profitent des moments de calme entre deux démonstrations afin, comme tous les habitants, d’achever la phrase qu’ils venaient de commencer.

Hier en début d’après-midi, les quelques jeunes qui squattent habituellement la place principale, la main en araignée pour d’illicites mélanges, ont d’abord pu voir un gros avion à hélices de transport de troupes, effectuer de calmes virages dans air serein. Et puis il y a eu un de ces jets de luxe (idéal on le sait maintenant pour transporter une famille de Poitiers à Berlin pour ne pas rater un match) qui effectuait de grandes ellipses aériennes dans un sillage sonore tout ce qu’il y a de plus feutré.

Mais lorsqu’un avion de chasse est de sortie, mêlant vrilles savantes et la position intimidante du cobra avant de plonger sur la commune comme pour aller valider de toute urgence un bulletin de loto chez le buraliste local, la ville devient subitement coite par un effet d’extinction sonore dû au vacarme des réacteurs. Il semble que seul un crash pourrait tirer cette municipalité de sa torpeur. Il y en a eu, dont un fameux Tupolev. La fatalité domine. Peut-être que quelques amants en profitent pour tirer des vibrations induites par les passages à basse altitude des sensations inédites, mais la supposition est surtout prononcée pour sourire.

Cela fait trente ans que Nathalie, orthophoniste en ville, peste à l’encontre du contraste offert entre un salon où l’on expose en vol des avions à cent millions de dollars pièce et Dugny, cette localité oubliée de la banlieue. Pour cette femme le compte n’y est pas : « une seule ligne de bus nous relie à Paris, il n’y pas de piscine car ça coûte trop cher et la plupart des enfants de la commune, notamment ceux que je côtoie, ne partent pas en vacances ».

Démonstration aérienne dans le ciel de Dugny. Photo: LSDP

Démonstration aérienne dans le ciel de Dugny. Photo: LSDP

Elu depuis 1989 après une carrière passée dans l’armée de l’air, monsieur le maire ne lui donne pas tort. André Veyssière est bien obligé de constater que les retombées économiques du salon sont, pour sa commune, égales à zéro. Seule l’évacuation journalière des 1684 enfants via 29 autocars est prise en charge par l’organisation. « Nous ici, c’est un peu l’arrière-boutique », déplore-t-il, en s’étonnant au passage qu’un journaliste l’appelle. Avec 73,2% de logements sociaux et un chômage pas loin des 16%, la commune de Dugny est assez étrangère au confort raffiné des avions Falcon. Alignant ses mandats de maire depuis 1989, André Veyssière estime être « un bon soldat qui a fait son boulot ». Aujourd’hui avec l’arrivée sur son territoire des sociétés Embraer et Eurocopter, il espère voir ses efforts couronnés par l’éclosion d’un mouvement d’embauches qui profiterait enfin à sa commune. Au-dessus d’elle, le ballet infernal continue jusqu’à dimanche comme si de rien n’était, pour la satisfaction des « beautiful people » qui garnissent, comme à Roland Garros, les tribunes VIP du… Bourget

PHB

 

 

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Une réponse à Dugny, l’arrière-boutique du Bourget

  1. de FOS dit :

    Un sujet grave traité avec humour, du grand art !

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