L’évadé du Mont-Valérien

Sculpture de Maurice Calka au Mont-Valérien. Photo: PHB/LSDPCertains petits matins des années quarante, la montée vers le sommet du Mont-Valérien devait être particulièrement lugubre et angoissante. Sur la place du mémorial de la France combattante, cette sculpture contemporaine de l’artiste Maurice Calka, est là pour nous rappeler que des dizaines d’otages et résistants ont été fusillés sur le site. Mais tout autour, une très jolie promenade portant le nom de l’ancien maire de Rueil-Malmaison, Jacques Baumel, est à découvrir.

Avec ses cent soixante mètres de haut, soit plus que la Butte Montmartre, le Mont-Valérien domine la cuvette parisienne. C’est, toute proportion gardée, le Mont Fuji des Parisiens, dévotion en moins. Au tout début de début de l’ère quaternaire nous est-il expliqué , les fleuves et les mers, grossis par la fonte des glaciers européens, provoquent en se retirant, une forte érosion. En ayant survécu, le Mont-Valérien, fait toujours office de témoin extraordinaire, de tout premier résistant à l’égard de cette époque fort lointaine.

Le mieux est d’y grimper à pied lorsque l’on vient du pont de Suresnes. On peut prendre la ruelle étroite qui longe l’hôpital Foch, enjamber la voie de chemin de fer par un petit pont duquel on aperçoit les tours de La Défense, reprendre son souffle à côté du Père Lapin, lieu de restauration bien connu des habitants et faire une première étape au cimetière militaire américain.

Comme en Normandie ou dans le nord de la France, les cimetières américains frappent par l’alignement des stèles à la géométrie impeccable et le silence, tout autant que le respect qui s’impose à l’égard des victimes des deux guerres mondiales. La furie urbaine y est interdite de séjour et déjà de cet endroit, Paris s’embrasse du regard. La vue est remarquable depuis ce site concédé à perpétuité par l’Etat français.

Le Mont-Valérie, vu du Pont de Suresnes. Photo: PHB/LSDP

Le Mont-Valérien, vu du Pont de Suresnes. Photo: PHB/LSDP

Pour gagner le mémorial et la promenade Jacques Baumel, il faut grimper encore. L’esplanade du mémorial, vaste lieu cérémonial, est le plus souvent déserte. Sans souci d’économie d’énergie, une flamme s’y consume en permanence.

De là on distingue le fort du huitième régiment de transmission qui coiffe le sommet et malheureusement inaccessible. C’est l’un des treize forts édifiés au début du 19e siècle pour défendre la capitale. Heureusement qu’il y a cette promenade aménagée à cent vingt mètres d’altitude environ et qui permet de faire le tour du mont par les flancs. Boisée, charmante, elle offre une vue à trois cent soixante degrés sur l’Ile de France. Elle est balisée très régulièrement, bien qu’il soit difficile de s’égarer.

Autant se promener aux Tuileries permet si besoin en était, de se raffermir nos gènes de Parisien, autant une sortie au Mont-Valérien nous rappelle notre statut, d’avenir paraît-il, de Francilien. Elle procure la sensation agréable de celui qui observe la vaste étendue de son domaine et l’altitude confère à nos pensées une hauteur de vue dont l’époque, ratatinée à l’info en continu, nous prive. Rien de plus inopportun on le constatera de là-haut, qu’une sonnerie de téléphone mobile signalant l’arrivée d’un texto exigeant une réponse dans la seconde. Si on y cède cependant, aliéné par la vie moderne comme l’auteur de ces lignes, à la fameuse question « tu es où » et après la réponse « au Mont-Valérien » succédera la question « mais qu’est-ce que tu fous-là bas ? ». Je me suis évadé, je t’écrirai.

PHB

La perspective depuis le cimetière militaire américain. Photo: PHB/LSDP

La perspective depuis le cimetière militaire américain. Photo: PHB/LSDP

Le Mont-Valérien qui se détache depuis la Tour Montparnasse. Photo: PHB/LSDP

Le Mont-Valérien vu depuis la Tour Montparnasse. Photo: PHB/LSDP

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3 réponses à L’évadé du Mont-Valérien

  1. VAM dit :

    Jolie promenade au réel et en écriture en un lieu à (re)découvrir pour les Franciliens. Sans téléphone mobile, donc. Merci pour cette balade qui régale ma matinée.

  2. Bouton dit :

    Une balade, c’est bien légitime ! Et ce lieu me rapproche de mon enfance. Merci à l’évadé !

  3. Joli titre, jolie idée et jolie balade, j’admire aussi l’endurance du marcheur !

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