« Je ne reviendrai pas sur mes pas »

La muraille de Chine. Exposition "Frontières". Photo: PHB/LSDPL’exposition « Frontières » au Musée de l’histoire et de l’immigration,  est susceptible de réveiller chez certains, l’histoire de ce chat qui franchissait à l’étourdie la ligne de démarcation entre Français et Allemands durant la guerre de 14. Pour cause de trahison il fut fusillé tout comme les soldats des deux bords qui avaient osé fraterniser un soir de Noël. Un pays qui se barricade est un pays anxieux des autres. Alors que cette semaine même des centaines de migrants ont péri en mer dans l’espoir d’une vie meilleure, cette exposition interpelle fort à propos notre conscience dans une synchronisation inédite avec les événements en cours.

La scénographie singulière de « Frontières » aurait pu s’étaler bien au-delà de l’espace qui lui a été réservé tellement le sujet est vaste. Les éléments présentés ici suffisent néanmoins à cadrer ce sujet sensible, en écho avec les images qui défilent actuellement sur les écrans de télévision, du moins quand le sacro-saint football veut bien leur céder la place.

Cela démarre avec la muraille de Chine (photo ci-dessus) qui ne sert plus à grand-chose et continue malheureusement sur les limites qui séparent par exemple les deux Corée avec un seul point de passage. Les cartes sont éloquentes comme par exemple ce trait rouge qui sinue en un parcours complexe entre la bande de Gaza, Israël et la Cisjordanie. Il représente le mur de séparation actuel ou le projet de sa prolongation. Les murs avec leurs chevaux de frise sont ce que l’on a trouvé de mieux et de pire pour dissuader l’étranger avéré ou présumé, légitime ou non selon les points de vue, de se rendre là où il n’est pas le bienvenu, que ce soit pour des motifs religieux, politiques ou économiques.  Parfois les abords de la frontière  sont « enrichis » de mines, pour que le message passe encore mieux, comme entre les deux Corées.

Depuis les premiers hommes africains qui franchirent un jour le détroit de la Mer Rouge pour conquérir la Terre, l’humanité et ses composants bipèdes n’ont cessé de vouloir se déplacer au gré des nécessités et aussi de leur curiosité ou de leurs envies. Les frontières n’existent pas encore sur la Lune, mais ça viendra.

Ici, dans ce merveilleux palais qui fut d’abord celui des colonies et plus particulièrement là, dans l’enceinte de cette exposition temporaire, tout est symbole et chaque symbole nous parle. Il y a par exemple ces photos de Thomas Mailaender qui montrent ces « voitures cathédrales » chargées jusqu’au toit, de ceux qui vont et viennent ou encore le fleuve qui sépare la Guyane de « l’extérieur » et aussi les visas, les tampons et jusqu’à la carte d’identité « d’étranger » de Pablo Picasso.

Aspect de l'exposition "Frontières". Photo: PHB/LSDP

Aspect de l’exposition « Frontières ». Photo: PHB/LSDP

On peut aussi s’attarder sur les « unes » des journaux à l’affiche, comme celle du quotidien La Croix qui titre avec cette remarque définitive d’un migrant « Je ne reviendrai pas sur mes pas« . Quelques touches d’humour aèrent un peu le propos général, notamment grâce à Plantu. Parmi ses dessins qui ornent tous les jours la couverture du Monde, certains ont été repris sur les cimaises de l’expo comme celui-ci où l’on voit une longue file de migrants quitter l’église Saint-Bernard et transiter vers un avion qui les expulse sans doute avant de revenir au pays et les voilà à nouveau au poste de douane présenter leurs papiers. Remarque de l’un d’entre eux « Qu’est-ce que l’on peut perdre comme temps en formalités« .

Les frontières apparaissent et disparaissent, en France comme ailleurs, voilà ce que l’on peut retenir entre autres de cette exposition fort intéressante. Le mur de Berlin est tombé, ses gravats se vendent comme autant de souvenirs aux touristes et peu de temps après à l’échelle de l’histoire, un candidat aux élections présidentielles américaines envisage d’en faire construire un nouveau, de 5000 kilomètres, entre les Etats-Unis et le Mexique.

Là-haut dans le ciel les oiseaux passent indifférents au-dessus ce ces vanités humaines. Il y aura bien un fou de plus, un jour, pour leur demander de présenter un visa.

PHB

 

« Frontières ». Jusqu’au 29 mai, au Musée de l’Histoire et de l’Immigration, 293 avenue Daumesnil 75012 Paris.

Exposition "Frontières". La carte "d'étranger" de Pablo Picasso. Photo: PHB/LSDP"

Exposition « Frontières ». La carte « d’étranger » de Picasso. Photo: PHB/LSDP »

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3 réponses à « Je ne reviendrai pas sur mes pas »

  1. Colette BLAISE dit :

    tout le monde dit que les chats n’ont pas été actifs mais voilà la preuve du contraire.

  2. Le dernier livre de Denis Lemasson, « Nous traverserons ensemble » paru chez Plon, aborde avec une grande finesse cette question des frontières. C’est la lecture que nous en avons faite sur notre blog : http://www.unpsydanslaville.com/migrer-et-se-perdre/

  3. On peut se demander si tout le malheur du monde ne vient pas de ces fichues frontières….

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