Victor Hugo, Parisien d’un siècle

Le Paris de Victor Hugo. Couverture du livre. Photo: PHB/LSDPVictor Hugo n’avait peut-être pas la réputation d’un grand humoriste mais, son indignation à l’égard des architectes qui reconfiguraient Paris, lui inspira au moins un trait d’esprit réussi. L’auteur  d’une micro-biographie qui vient d’apparaître chez tous les bons libraires, nous donne à connaître cette pique qui frappait incroyablement juste à l’adresse de l’église de la Madeleine: « ce tome II de la Bourse, avec son lourd tympan qui écrase sa maigre colonnade ». Le « Paris de Hugo », publié en mai aux Editions Alexandrines, raconte avec une fluidité appréciable, le lien fort unissant l’écrivain à la capitale.

Hugo est un conservateur militant du Paris ancien, s’insurgeant du mal que l’on porte à la ville au travers de différentes initiatives ou du bien que l’on ne lui prodigue pas. Sa biographe Nicole Savy le raconte mobilisant l’opinion contre « la dévastation des monuments nationaux par une administration ignorante ».

Les préoccupations de Victor Hugo sur les sujets patrimoniaux ne sont pas loin de rejoindre l’actualité parisienne d’aujourd’hui lorsque nos édiles fustigent ceux qui voudraient conserver Paris « dans le formol ». L’homme de théâtre, politique, poète, peintre, dessinateur, défendait les causes qui lui tenaient à cœur avec une vigueur, une clairvoyance et une hauteur de vue qui se font rares de nos jours. Dans un article publié par La Revue des deux Mondes, il s’alarme qu’à Paris « le vandalisme fleurit et prospère sous nos yeux. Le vandalisme est architecte, le vandalisme se carre et se prélasse (…), le vandalisme est entrepreneur de travaux pour le compte du gouvernement ». C’est cette passion de Paris et singulièrement de Notre Dame qui, écrit l’auteur, l’auront « conduit pour la première fois à entrer dans l’action publique voire politique ».

On croit connaître Hugo mais lorsque l’on relit derechef son parcours, une impression de redécouverte exfiltre de la lecture. A l’aune des personnalités politiques qui tiennent permanence exclusive sur les grands médias, on mesure mieux l’absence d’une carrure intellectuelle comme celle de l’auteur des « Misérables ». C’est l’intérêt de ce petit livre d’à peine 120 pages que de nous donner l’occasion de transposer mentalement Victor Hugo au sein de nos débats télévisés. Nul doute que par ses silences ou l’autorité de son expression vocale, il effacerait sans peine la plupart de nos débatteurs.

Parmi les séquences qui divisent « Le Paris de Victor Hugo », il y a celle intitulée « Combat ». On le voit partout, courant les barricades dans ce dix-neuvième siècle en proie aux guerres civiles les plus terribles, montant sur les tribunes, s’insurgeant des exécutions, de la peine de mort, de la censure, de l’intolérance, s’émouvant d’un jeune enfant abattu par l’armée de son propre pays, pagayant dans le sang versé de part et d’autre des belligérants. Nicole Savy nous présente un homme debout, « défenseur de la liberté de penser » et de la « laïcité ».

Victor Hugo sur le mur de Google images. Photo: PHB/LSDP

Victor Hugo sur le mur de Google images. Photo: PHB/LSDP

Cet ouvrage est revigorant dans la mesure où il nous transfuse une part de cette énergie qui ne s’exprimait pas vraiment dans la demi-mesure que ce soit dans l’écriture, l’art, la défense du patrimoine, la politique, les droits de l’homme et incidemment, l’amour des femmes ou de ses petits enfants. Il nous alerte aussi, par les temps instables que la France traverse, sur le risque toujours très proche, sous-jacent, d’une situation insurrectionnelle que l’on ne pourrait plus contrôler.

« Maintenant que Paris, ses pavés et ses marbres/Et ses brumes et ses toits sont bien loin de mes yeux » écrivait-il dans « Les contemplations ». Victor Hugo, dorénavant installé derrière un lookout céleste n’en doutons pas, peut jouir tous les jours d’une vue imprenable sur cette capitale qui lui faisait dire, selon des citations glanées par Nicole Savy, qu’il y avait eu « deux affaires dans sa vie », l’océan et Paris.

PHB

« Le Paris de Victor Hugo ». Nicole Savy.  Editions Alexandrines. 7,90 euros

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2 réponses à Victor Hugo, Parisien d’un siècle

  1. Marie-José Sélaudoux dit :

    En effet, ces lignes de Victor Hugo sont d’une actualité brûlante. Beaucoup ont protesté lors de l’installation des colonnes de Buren dans les jardins du Palais-Royal, les horreurs de Koons dans le château de Versailles ou Place Vendôme (j’en passe, la liste serait longue), hélas en pure perte. Il y a un gouffre entre conserver Paris « dans le formol »et le défigurer. On pourrait aussi évoquer certaines mises en scène qui, sous prétexte de « dépoussiérer »pièces de théâtre et opéras, les dénaturent complètement. Je garde un souvenir cauchemardesque de la mise en scène qu’ Alvis Hermanis a infligée à « La damnation de Faust » en décembre dernier à l’Opéra Bastille. Le public ne s’y est pas trompé et l’a copieusement sifflée.

  2. Bonjour,
    pour être exact, la mise en scène de « La damnation de Faust » a été huée par la moitié du public et applaudie par la seconde, j’y étais, et j’ai donné mon point de vue dans mon article des Soirées « Voir Jonas Kaufmann et mourir ».
    Quant à Victor Hugo, le Canard Enchainé a récemment fait la critique d’un autre petit livre récent consacré, lui, aux 5 générations hugoliennes, « Les Hugo » par Henri Gourdin. Où il est montré que le grand homme fut une sorte de catastrophe pour les siens. Intéressant de comparer, non?

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