Lore Krüger, un exil lumineux

Lore Krüger. Affiche de l'exposition. Photo: PHB/LSDPVoilà pour une fois une photographe d’avant-guerre qui ne trouve pas à abriter ses œuvres au musée du Jeu de Paume mais à celui d’art et d’histoire du Judaïsme (mahJ). En revanche, le beau portrait de Lore Krüger qui fait l’affiche de l’exposition, est signé Florence Henri, celle qui orna l’année dernière les cimaises du Jeu de Paume (1). Une partie des photos exposées représente d’ailleurs des réalisations de Florence Henri ce qui traduit une certaine proximité entre les deux femmes.

Le talent de Lore Krüger est comparable à celui de ses contemporaines en ce qu’il recèle de recherche et de sensibilité. On n’aurait pu ne jamais en profiter tellement sont nombreuses les photos qui se sont perdues en route. Et aussi parce que l’artiste d’origine allemande (Magdebourg) avait été quelque peu oubliée. Mais c’était sans compter la découverte chez la photographe en 2008, par deux chercheuses berlinoises (Cornella Bästlein et Irja Krätke), d’une valise contenant cent tirages. La première exposition a eu lieu à Berlin en 2015, soit 6 ans après le décès de l’intéressée.

La vie de cette femme que l’on découvre au mahJ,  va de pair avec une itinérance erratique, le tracé d’un exil qui donne tout son sens au titre de l’exposition. Juive, elle n’a que dix neuf ans lors de la prise du pouvoir par Hitler en 1933. La voilà partie pour Barcelone, Palma de Majorque, Paris, New York, avant son retour à Berlin en 1946, époque à laquelle elle abandonne la photographie. Sa religion fait qu’elle n’échappera pas à la persécution. Elle connaîtra les humiliations du Vel d’Hiv, la misère d’un camp dans les Pyrénées et devra affronter le suicide de ses parents, désespérés de ne pas obtenir de visa pour un ailleurs plus sûr.

Lore Krüger, elle, tiendra jusqu’à 95 ans. L’une des chercheuses à l’origine de la redécouverte de son œuvre raconte comment elle fit sa connaissance en 2008, un an avant sa disparition. Irja Krätke, qui faisait alors des recherches sur un juif communiste, lui rend une première visite un 14 juillet dans son appartement de la Karl-Marx-Allee. C’est ce jour-là que Lore Krüger montre ses photos. Certaines sont au mur, d’autres rangées dans un dossier et une valise.

Vue de New York par Lore krüger. Photo: PHB/LSDP

New York. Lore Krüger. Photo: PHB/LSDP

Avec son appareil compact, notamment un Leica acquis en 1935, Lore Krüger fait preuve d’une curiosité et d’une ténacité de journaliste en allant photographier les massacres franquistes à Majorque. Elle démontre une sensibilité certaine à l’égard de la communauté gitane aux Saintes-Maries-de-la-Mer, une commande qu’elle honore en 1936. Elle s’intéresse aux assemblages réalisés par Florence Henri dont elle se dit « élève » et réalise des photogrammes, nous révélant au passage sa forte fibre artistique. Par photogramme, il faut entendre un travail effectué sans appareil photographique, par la disposition directe d’objets sur du papier photographique, avant de les exposer à lumière.

Mais ce qu’elle appréciait surtout c’était la réalité de la vie et des gens. De son sens du cadrage et de l’appréhension de la lumière, résulte une œuvre juste, tout en délicatesse. L’exposition au musée d’art et d’histoire du Judaïsme mérite une étape pour ceux qui passeraient non loin de la rue du Temple.

PHB

Appareil ayant appartenu à Lore Krüger. Photo: PHB/LSDP

Appareil ayant appartenu à Lore Krüger. Photo: PHB/LSDP

Lore Krüger, « Une photographe en exil ». Musée d’art et d’histoire du judaïsme. Hôtel de Saint-Aignan, 71 rue du Temple, 75003 Paris. Jusqu’au 17 juillet.

(1) Florence Henri sur Les Soirées de Paris

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2 réponses à Lore Krüger, un exil lumineux

  1. Belle photo qui évoque les vues de New-York de Stieglitz et la Photo-Secession….

  2. philippe person dit :

    Est-ce que tout ça est dûment authentifié ? ou n’est-on pas devant une « nouvelle » Vivian Maïer… C’est-à-dire quelqu’un dont on retrouve opportunément – des photos qui ressemblent, comme le dit Lise, à d’autres photos de grands photographes…
    Bref, quelque chose qui mériterait beaucoup de prudence… Car, je m’avance peut-être et j’attends qu’on me voue aux gémonies pour soupçons imbéciles mais je crois que Vivian Maier, par exemple, est un canular ou une escroquerie dont les responsables finiront par avouer la paternité…
    Alors qu’en peinture, on reconnaît l’existence de faussaires – de plus en plus nombreux et talentueux – en photographe, on continue à ne se pas méfier… et pourtant quoi de plus facile que « d’inventer » de nouveaux photographes en leur attribuant le meilleur de ses milliers/millions de photos qui existent ici et là sans qu’on en connaisse les auteurs…

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