Drôle d’endroit pour construire une ville ! Guanajuato (Mexique) se tient à cheval sur une série de monticules abrupts. Rouge, vert, orange, jaune, bleu, ses pentes sont couvertes d’une mosaïque d’habitations-cubes à la carnation éclatante. On dirait des maisons Lego, grandeur nature. Depuis les hauteurs, elles dégringolent inopinément les collines jusqu’au pied de la cathédrale baroque et de l’université (ci-contre) qui dominent le vieux centre.
L’université néoclassique trompe son monde. Bâtie au milieu du XXe siècle sur un ancien couvent jésuite du XVIIIe, on la croirait d’époque tant le pastiche est parfait. La richesse passée du vieux centre colonial affleure encore dans ses rues principales où théâtres, palais, églises, édifices élégants aux balcons de fer forgé exhalent l’Espagne. C’est dans ces bâtiments historiques, baroques pour la plupart, que se tient le festival « Cervantino » qui a lieu tous les ans au mois d’octobre à Guanajuato.
Créé au milieu des années 1950 pour représenter des pièces de Cervantes, le festival « Cervantino » a pris de l’importance et s’est diversifié dans les années 1970 jusqu’à devenir l’une des manifestations de création contemporaine les plus courues d’Amérique latine. Ses spectacles de qualité rassemblent plus de 2 000 artistes des arts de la scène (théâtre, musique, opéra, danse), des arts visuels et du cinéma, venus d’une trentaine de pays et des cinq continents. C’est un vrai plaisir de se mêler à la foule pour assister à des spectacles tout en visitant cette ville insolite.
Située à 380 kms à l’ouest de Mexico, Guanajuato, capitale de l’Etat du même nom est inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1988 en raison de son architecture et de ses mines. C’est en effet la découverte d’un important filon d’argent au XVe siècle qui a décidé de la construction de la ville à 2000 mètres d’altitude sur ce site étrange. Au XVIe siècle, Guanajuato était devenu le principal centre minier de l’argent au monde. Aujourd’hui, si l’exploitation est presque à l’abandon, l’intrigante cité-Babel se décline toujours sur deux niveaux étroitement intriqués. En contrebas, les galeries des anciennes mines sont devenues des voies carrossables, des parkings, des tunnels et des souterrains. Au-dessus, les voies sont piétonnes, seuls les vieux bus pétaradants et polluants et les taxis empruntent celles qui sont suffisamment larges.
On se perd aisément dans le labyrinthe des callejones, les ruelles tarabiscotées qui gravissent la pente avec peine tant elle est raide. Par endroits déglingués et peu engageants, les callejones mènent aussi à des ruelles bordées de magnifiques villas modern style. Comme sur les pages d’un luxueux magazine de déco mexicaine, les murs sont rose tyrien, bleu vif, blanc éclatant, les arbres en fleurs, les cactus, géants. Loin du magazine lustré, la vie éclate dans les venelles plus populaires. Ainsi, on découvre un jour de vaillants septuagénaires et octogénaires se déhanchant sur des sambas endiablées dans la cour d’une maison abandonnée. La tequila et la bière coulent à flot alors qu’ils célèbrent l’anniversaire du doyen de leur groupe. Et c’est tout naturellement que le passant français, qui, curieux, a pointé son nez dans la cour, est invité à se joindre à la fête.
Ville chargée d’histoire, Guanajuato a été le berceau de la lutte contre la domination coloniale. Elle a vu naître, en 1753, Miguel Hidalgo y Costilla, le père de l’indépendance du Mexique. C’est lui qui lança l’insurrection, en septembre 1810, pour appeler la population à se soulever contre le gouvernement de … Joseph Bonaparte ! Rappelons qu’il fut d’Espagne de 1808 à 1813.
Autre personnalité née à Guanajuato, le peintre Diego Rivera. Près de l’université, la rue Pocitos abrite sa maison natale où il ne vécut que six ans. Elle permet de découvrir une habitation locale traditionnelle ainsi que 80 œuvres de l’artiste et des dessins préparatoires de ses fresques. Une salle est réservée à l’exposition de photos qui retracent la vie de Diego Rivera et de sa femme, Frida Kahlo, aujourd’hui plus célèbre que lui.
On découvrira mille autres trésors en parcourant Guanajuato. Ils justifient pleinement un long séjour qui permettra d’assister à plusieurs spectacles du festival « Cervantino ».
Lottie Brickert
En savoir plus sur le festival « Cervantino » qui a lieu du 2 au 23 octobre 2016
Superbe compte rendu d’une ville fascinante et très vivante.
Un billet qui donne sacrément envie de prendre son… billet pour le Mexique avec une bonne paire de chaussures pour arpenter les callejones !