Cadix, un petit bijou andalou serti dans l’Atlantique

Petit îlot posé au bout d’une presqu’île, Cadix semble vouloir garder jalousement ses trésors. Les visiteurs lui préfèrent Séville, sa voisine, ou ses plus lointaines cousines, Cordoue et Grenade. Si Cadix est moins « léchée » que ses riveraines andalouses et garde peu de traces voyantes de son passé romain et maure, elle n’en déborde pas moins de charme. Certains la comparent à la capitale cubaine. Sa promenade en front de mer bordée de façades aux tons pastel fanés et la masse imposante de la cathédrale baroque qui s’y détache entretiennent l’illusion. Le fort, l’animation populaire de ses rues, par moments fatiguées, sont d’autres signes. A se demander si l’esprit de Christophe Colomb, le découvreur de Cuba parti à différentes reprises de Cadix, ne rôde pas encore par là.

L’arrivée en train est saisissante. A mesure que la baie de Cadix s’inscrit dans le paysage, l’œil du voyageur est ébloui par des damiers roses et blancs qui scintillent au sol : des marais salants. Un petit détour historique lui apprend qu’ils étaient déjà là du temps des Romains. Romains qui développeront les industries locales de salaison. Plus tard, au moyen-âge, Cadix deviendra le grenier à sel de l’Espagne maure. Après les marais, lorsqu’il s’engage sur une bande de terre étroite, le train donne au voyageur l’impression d’être perché au-dessus des eaux. Droite, gauche, il ne sait plus où donner de la tête. D’un côté, la baie de Cadix le charme par son effervescence et de l’autre, l’océan atlantique le trouble par sa quiétude. Parvenu à l’extrémité de la péninsule, le train s’immobilise à l’entrée d’un petit îlot qui semble perdu au bout du monde, le centre historique de Cadix. De là, trente siècles vous contemplent. La ville fondée par les Phéniciens au XIIe s. av. J. C. est en effet l’une des plus vieilles cités d’Europe occidentale.

Au fil du temps, les « yeux de velours » de Cadix lui ont valu de nombreuses conquêtes. Phénicienne, carthaginoise, romaine, visigothe, musulmane à partir de 711 jusqu’à la reconquête au XIIIe siècle et son rattachement à la Castille. A partir du XVe siècle, c’est Cadix qui part à la conquête du monde. Elle voit le départ et le retour de grandes expéditions maritimes dont celle de Colomb en 1493. Et la découverte de l’Amérique apporte un temps la prospérité à Cadix. Mais son isolement au bout d’une presqu’île lui vaut de nombreux pillages dont elle aura du mal à se remettre. La ville est supplantée par Séville… jusqu’à ce que le vent tourne à nouveau. L’ensablement du port de Séville sur le fleuve Guadalquivir permet à Cadix de reprendre son essor dans le commerce avec le nouveau monde. Au XVIIIe siècle, Cadix vit son âge d’or : doublement de la population en 50 ans et enrichissement économique et architectural considérable. Avec les négociants qui affluent de toute l’Europe et le petit goût d’Amérique qu’elle distille, elle devient résolument cosmopolite. Le commerce est dense, les bateaux se bousculent dans son port. Pour mieux surveiller le trafic maritime, 160 tours de guet sont érigées au-dessus des palais baroques de toute la ville. Il en reste un grand nombre emblématiques des toits gaditans.

A l’entrée de la vieille ville, les terrasses de la vivante place San Juan de Dios avancent leurs sièges et invitent à une pause-café. Puis, après une exploration de l’immense cathédrale baroque élevée sur une place mitoyenne, c’est par la tour Tavira qu’il faudrait continuer la visite de Cadix. Bâtie sur le point le plus haut du vieux centre, l’ancienne tour de guet officielle, construite au XVIIIe siècle, se visite aujourd’hui. Sa terrasse mirador offre une vue grandiose à 360° sur les toits des maisons, les clochers et dômes des églises et palais. Où que l’on regarde, on voit la mer poindre à l’horizon et l’on imagine aisément les riches marchands guettant l’arrivée des bateaux remplis de biens précieux d’Amérique. A l’étage inférieur de la tour belvédère, une chambre noire, permet par un processus optique de faire défiler sur une table écran des photographies qui retracent en temps réel tout le panorama de la ville. Il devient donc plus facile de s’orienter. Car si Cadix est construite suivant un plan quadrillé avec des rues rectilignes qui débouchent toutes sur la mer, l’orientation dans les ruelles étroites n’est pas toujours aisée. Mais qu’importe. Si l’on tourne un peu en rond, on tombe toujours sur une place ravissante plantée d’orangers où bat un cœur vraiment andalou. Immanquablement on y trouvera une église dont les autels dégoulinent d’or et des cafés avec terrasse.

Vue de Cadix du haut de la tour Tavira. ©Lottie Brickert

A côté de la tour Tavira, l’ancien hôpital des femmes du XVIIIe siècle est un régal pour les yeux avec ses arcades et son patio couvert de faïences. Et, c’est l’estomac que flatte le marché aux poissons riverain avec son magnifique chalandage de poissons et fruits de mer si frais qu’ils semblent encore bouger. On peut les déguster dans les petits restaurants attenants à l’ambiance populaire. Près de là, l’Oratorio San Felipe Neri et le musée des Cortès rappellent la place politique occupée par Cadix au XIXe siècle. Alors que l’armée de Napoléon s’est emparée des grandes villes espagnoles, Cadix résiste grâce à ses insurgés libéraux. Ce sont eux qui en 1812 proclameront dans l’Oratorio la première constitution espagnole, inspirée de la française, pour affirmer la souveraineté nationale de l’Espagne contre la France napoléonienne. A deux cents mètres au nord des Cortes, se trouve le petit musée des beaux-arts qu’il serait dommage d’ignorer. Il abrite les splendides portraits de saints Chartreux réalisés par Zurbaran ainsi que « Le mariage mystique de Sainte Catherine » de Murillo à l’histoire funeste. C’est en effet pendant la réalisation de cette toile que Murillo s’est tué en tombant de son échafaudage dans l’oratoire de la forteresse Sainte Catherine.

On atteint la forteresse en effectuant un petit détour par le parc Genoves qui borne le vieux centre à l’ouest. Ses hibiscus, cyprès de Californie et autres essences exotiques en font un poumon vert très dépaysant. De là, une promenade en bord de mer, le paseo Santa Barbara, rejoint la forteresse Sainte Catherine, transformée en centre d’art contemporain. Depuis le chemin de ronde sur ses fortifications épaisses qui dominent la mer, on peut admirer la belle plage de sable blanc de la Caleta. Cadix abrite en effet une grande plage très propre en plein centre historique. Elle est bordée par le quartier de la vina, l’ancien village de pêcheurs aux rues et façades parfois fatigués qui a su garder son âme populaire. La promenade en front de mer attenante, le campo del Sur, permet de terminer le tour de Cadix en offrant une vue sur la masse impressionnante de la cathédrale baroque qui ne manque pas d’allure.
Reste aux courageux, la découverte de la ville moderne (avec quelques beaux bâtiments art-déco) qui s’étend sur la partie sud-est de la péninsule. Les paresseux lui préféreront les kilomètres de plage de sable blanc qui s’étendent devant elle.

Lottie Brickert

 

La Caleta, plage en plein centre historique de Cadix © Lottie Brickert

Photo d’ouverture:
Vue sur la cathédrale de Cadix depuis le campo del Sur (©Lottie Brickert)
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5 réponses à Cadix, un petit bijou andalou serti dans l’Atlantique

  1. Alain S dit :

    Arturo Perez-Reverte a écrit un livre magnifique « Cadix ou la diagonale du fou ». L’action se déroule pendant le siège de l’armée napoléonienne. On « visite » toutes les rues et places de la ville, et on assiste à le fin de la dernière période de grandeur de Cadix.

    https://www.amazon.fr/Cadix-ou-diagonale-du-fou-ebook/dp/B00OROUSVQ/ref=sr_1_21?s=digital-text&ie=UTF8&qid=1488357302&sr=1-21&keywords=perez+reverte

  2. Steven dit :

    Un si bel article, merci. S.

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  4. Merci Lottie, je suis un fidèle lecteur qui ne se lasse pas du charme de tes voyages.
    À vite 🙂

    Nikola

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