Gaston Doumergue: un ami de la poésie entre au gouvernement

En remplaçant Aristide Briand par Gaston Doumergue en 1908 à l’Instruction publique et aux Beaux-Arts, le gouvernement accueillait en son sein un ami des arts et des lettres. Au point que vingt ans plus tard, alors qu’il est président de la République depuis 1923, Gaston Doumergue rendra d’utilité publique la Maison de la Poésie (qui existe toujours) faisant suite aux dispositions testamentaires du poète Emile Blémont. Au mois de juin prochain cela fera 80 ans que ce personnage emblématique de la Troisième République disparaissait brusquement.

La maison où il est mort en 1937 se confond avec la maison où il est né en 1863 et il suffit de marcher un petit quart d’heure pour trouver sa vaste stèle au joli cimetière d’Aigues Vives (Gard). Une querelle de clocher fait que l’association des Amis de Gaston Doumergue, qui pourrait faire visiter l’habitation historique aux curieux, n’en détient plus les clés. La mairie exige en effet pour ce faire la présence d’un agent municipal en évoquant des questions de sécurité. Par conséquent, l’association qui prodiguait ses soins depuis 26 ans à une bâtisse quasi-abandonnée se voit privée de sa raison d’être, limitant son activité de mémoire à l’entretien d’un site internet (1). Au mois de février de cette année dans le quotidien Midi Libre, le maire de la ville Jacky Rey assurait qu’il n’y avait pas matière à polémique et que tout rentrerait dans l’ordre le jour où le financement des derniers travaux serait trouvé et que lesdits travaux seraient effectués. Un trop vague échéancier qui n’a pu que décevoir la présidente de l’association Dominique Rabeuf Laloux.

Sans doute que l’ancien président de la République méritait moins de chicaneries. Quelle belle allure avait-il avec son regard profond et sa paire de moustaches comme on n’en fait plus. Il avait ceci de particulier pour un président de la République qu’il était célibataire et protestant. Il se maria durant son mandat. Ses prises de positions le rangeaient plutôt et pour l’époque dans la catégorie des humanistes. De sa bibliothèque personnelle il reste 3000 volumes avec des auteurs témoignant d’une ouverture d’esprit certaine comme Nietzsche, Schopenhauer, Spinoza, Michelet, Montaigne, Pascal, Goethe, Aristophane, Tolstoï, Vigny, Descartes ou encore Balzac, Platon, Virgile, Victor Hugo, Livingtone, Mirabeau, Rousseau, Maupassant, Diderot, Chateaubriand, Mérimée, Lamartine, Ronsard, Valéry, Mallarmé… Mais pas Apollinaire ce qui est curieux dans la mesure où l’auteur d’Alcools avait suffisamment de notoriété (et de talent) pour piquer la curiosité de l’homme d’État. D’abord en tant qu’écrivain et critique d’art mais aussi parce que son rôle supposé (faux) dans l’affaire de la disparition de la Joconde en 1911 l’avait porté malgré lui à la une des médias. C’est Gaston Doumergue d’ailleurs qui accueillit Gare de Lyon au mois de décembre 1913 le retour de la célèbre peinture, retrouvée après maintes péripéties. Enfin, Apollinaire trouva à s’employer en 1918 au ministère des Colonies que Gaston Doumergue venait de quitter.

La maison de Gaston Doumergue à Aigues Vives

A cette absence de la bibliothèque, il y a peut-être une explication. Avant de décéder à Aigues Vives, Gaston Doumergue avait pris sa retraite à Tournefeuille près de Toulouse. En 1952, quand les affaires de l’ancien chef d’État ont été transférées par malles vers Aigues Vives, il n’est pas impossible qu’il y ait eu quelques prélèvements au passage, c’est que l’association suppose.

Néanmoins à force de chercher des liens on finit toujours par en trouver. Car la présidente de l’association  des Amis de Gaston Doumergue, Dominique Rabeuf Laloux, a participé comme figurante dans le téléfilm diffusé en 1980, « Les Amours du mal-aimé » de Marcel Camus, avec un Jean François Balmer saisissant dans le rôle de Guillaume Apollinaire. Et c’est son père Charles Rabeuf qui opérait comme ingénieur du son.

PHB

(1) Le site de l’association des Amis de Gaston Doumergue, comportant de nombreuses photos dont l’intérieur de la maison.

 

 

 

N'hésitez pas à partager
Ce contenu a été publié dans Apollinaire, Histoire. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.