Caresses intimes à la boutique Louis Vuitton

La marque Louis Vuitton a semble-t-il donné carte blanche au plasticien Jeff Koons pour orner de façon spectaculaire les vitrines de son magasin des Champs Elysées. L’artiste a créé des sacs à main en s’inspirant d’œuvres emblématiques de grands peintres comme Léonard de Vinci, Van Gogh, Rubens ou Fragonard. Dans chaque vitrine, les sacs s’exposent accompagnés d’une animation géante. Ainsi la fameuse Joconde fait-elle un clin d’œil au passant tandis que la jeune fille au chien de Fragonard  joue avec l’animal dans une sorte de valse lente qui intrigue les passants.

Et pour cause. Quand Jean-Honoré Fragonard réalise en 1768 cette toile d’inspiration « galante », il ne suggère ni plus ni moins qu’une scène de masturbation. Il s’agit d’une jeune fille demi-nue, allongée sur son lit et portant son petit chien dans ses bras de façon à ce que la queue de l’animal (de joie innocente) lui balaie le sexe. Cette séquence de caresses intimes a autrement été appelée « La Gimblette » en allusion à un biscuit produit dans le Languedoc. Sa jeune fille avec un chien a été l’objet de plusieurs versions. Celle qui nous est donnée à voir est des plus explicites.

Observer l’animation de Jeff Koons qui anime la vitrine laisse songeur. La tête du chien va de haut en bas en un lent va-et-vient comme s’il pompait du pétrole. Il est probable que l’artiste qui fait de la provocation une de ses marques de fabrique a accentué en conscience l’intention suggestive de Fragonard. Mais il est quand même étrange de penser que Louis Vuitton ait pris le risque d’afficher une telle scène sur deux parois en verre de son magasin le plus célèbre.

Sac à main Van Gogh par Jeff Koons en vitrine du magasin Louis Vuitton. Photo: PHB/LSDP

Quant aux sacs à main (et divers accessoires) estampillés Van Gogh, Titien, Rubens ou Léonard de Vinci et vendus entre deux et trois mille euros, ils sèment le doute par rapport à une maison qui sauf erreur se positionne sur le chic et l’élégance. Empruntant aux codes graphiques du nain de jardin mais frappés d’un petit lapin propre à Koons, ils expriment une laideur stylisée, glorifiée en quelque sorte, à la toute extrémité du mauvais goût, par la main du maître. On les verrait facilement dans une boutique « tout à un euro » mais ils sont bien proposés à la vente depuis la fin du mois d’avril dans les multiples enseignes Vuitton.

La version Fragonard de Jeff Koons franchit une limite supplémentaire dans l’indécence récréative à une époque où sans même parler de l’image de la femme, la morale perd tous ses repères. Ce n’est pas une question de pudibonderie. Ce qui peut déranger dans cette affaire en effet, c’est l’élévation sans frein de la vulgarité dans un pseudo exercice artistique dont la finalité n’est rien d’autre que le commerce de détail. Quand Marcel Duchamp accolait une paire de moustaches à La Joconde il y avait dans l’intention une démarche à la fois potache et intellectuelle. Lorsque Louis Vuitton fait appel à Koons pour détourner l’art des grands maîtres, la seule explication claire se trouve dans le tiroir-caisse. Mais en l’occurrence le maroquinier de luxe, en pensant sans doute jouer la carte iconoclaste,  s’est juste dévoyé.

PHB

Un petit aperçu de l’affaire sur internet

La toile de Fragonard

 

 

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6 réponses à Caresses intimes à la boutique Louis Vuitton

  1. Alice Goldet dit :

    Mille fois d’accord! LV, regretteront ils cette supercherie ? Franchement, on n’imagine pas Mme Macron, fidèle de la maison, portant un de ces sacs en visite officielle…Le cynisme de ces « créations » est égal à leur vulgarité.

  2. rousseau dit :

    Jean Clair ne disait pas autre chose quant à ce trader canaille qu’est Jeff Koons.
    merci de nous le rappeler
    DONATIEN ROUSSEAU

  3. bruno charenton dit :

    L V comme La Vulgarité ? cette manière d’annexer l’histoire de l’art et d’en réduire le sens au plus bas de l’anecdote à une toile de sac à main montre combien on sait « s’amuser » dans cette maison de commerce en proposant ces babioles à une clientèle sans discernement mais captée par la sottise d’une nouveauté… on constate comme toujours chez Koons, son pouvoir d’aspiration plutôt son inspiration.

  4. J’ai noté aux « infos » TV aujourd’hui qu’un tableau de Basquiat venait d’atteindre 110,5 millions d’euros, son record, lors d’une vente aux enchères.
    Tout le problème est là, non?

  5. philippe person dit :

    « La laideur se vend mal » disait l’inventeur du design Raymond Loewy… Je crois que Vuitton n’en vendra pas des masses, car les riches ne sont pas si idiots que ça, et qu’effectivement, on pourra les racheter pour une bouchée de pain à Drouot ou chez Paris pas cher dans quelques mois. Mais ce sera toujours aussi moche – et les pauvres ne sont pas si idiots que ça… Ils préfèrent un beau Fragonard ou un beau Van Gogh sur un canevas ou comme couverture de boîte de chocolats…

    L’important était ailleurs : faire un coup. Préparer peut-être une nouvelle expo Jeff Koons, pourquoi pas au Musée Arnaud qui va pouvoir s’agrandir dans le bois de Boulogne, puisque ni vu ni connu, le musée des arts et traditions populaires entre dans l’escarcelle du maître de LVMH… LV ? ça nous rappelle quelque chose…

  6. Paola Andreotti dit :

    Ce qu’on appelle l’art contemporain est juste une affaire de gros sous. Un marché spéculatif aux mains de quelques collectionneurs. de salles de vente, quelques conservateurs et galeristes. Jeff Koons est sans aucun doute un de ses représentants parmi les plus kitschs, les plus vulgaires, les plus avides et les plus meprisables. LVMH ne fait que surfer sur la vague pour faire de l’argent. Le rôle conservateurs de musees complices de cette arnaque (cf l’expo Jeff Koons organisée à Versailles par JJ Aillagon. Est sans aucun doute bien plus criticable.

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