Le vertigineux playback de la Galerie de Paléontologie

Au rythme où l’on décime les baleines, il faudra bientôt se contenter de méditer devant leurs squelettes. Et même de camper à l’intérieur des carcasses si l’on en juge par le généreux volume interne d’un des spécimens exposés à la Galerie de paléontologie et d’anatomie comparée du muséum du Jardin des Plantes. Il suffirait en effet de coiffer l’ensemble d’une bâche pour se retrouver propriétaire d’un deux pièces de vingt mètres de long, avec fanons et poutres apparentes, tout ce qu’il y a plus atypique comme on dit de nos jours dans l’immobilier.

Les cétacés -dont font partie les baleines- ont ceci de particulier chez les mammifères qu’au moment de l’orientation générale due à l’émergence progressive des terres  ils ont préféré l’univers aquatique. Moyennant quoi, selon le site baleines.net, pas moins de trente sacs en plastique ont été découverts dans l’estomac de l’une d’entre elles en février 2017. Les « à bosse », les « bleues » ou les « boréales » ont donc quelque souci à se faire et nous aussi par voie de conséquence. A moins qu’elles ne se décident à revenir sur terre mais elles ne font que s’échouer sur les plages pour y mourir désorientées.

Prodigieuse galerie de paléontologie qui inspira maints romanciers, dessinateurs de bandes dessinées et autres auteurs de films. Les perspectives chronologiques ouvertes par les collections exposées, du plus petit coquillage à l’œuf de dinosaure en passant par le plus grand des mammouths, s’étalent sur des centaines de millions d’années. Ce sont nos grands aïeux dispersés dans la généalogie extrême de l’évolution. C’est d’autant plus impressionnant qu’au rez-de chaussée les squelettes et moulages sont présentés en cohorte, allant tous dans le même sens et pourtant figés dans leur élan. Quel fabuleux playback que cet univers clos aux senteurs de vieux parquet nous propose d’arpenter à pas circonspects.

Sur trois étages entourés de murs dont la peinture écaillée doit remonter à l’après-guerre, la galerie de paléontologie située au niveau de la gare d’Austerlitz, nous offre un impressionnant voyage dans le temps qui va d’un anecdotique rhinocéros ayant appartenu à Louis XV à un iguanodon (secteur des dinosaures) qui ne compte plus ses millions d’anniversaires posthumes. Ce qui nous est donné à voir nous permet aussi d’explorer l’intérieur d’un bivalve ou encore celui d’un crâne d’éléphant en coupe longitudinale.

Rez-de-chaussée de la galerie de paléontologie

Nous nous surprenons muets d’étonnement devant les vitrines de tératologie qui nous exposent en bocaux les anomalies du vivant à une époque où les humains ne produisaient pas encore de perturbateurs endocriniens et autres nuisances modernes lesquelles ont encore fait tout récemment le sel d’un discours d’un prétendant à la présidence de la République.

Mais l’actualité n’atteint pas ce sanctuaire et l’on ne peut que s’en féliciter et s’esbaudir sans limites devant l’intérieur archi-creux des tortues (à peine un châssis, quatre pattes et autant d’essieux) et aussi  s’interroger sur ce qu’est devenu le squelette du mammouth retrouvé au 19e siècle à l’emplacement actuel du square Montholon.

En fait, ce qui manque à l’endroit, ce sont ces médiateurs que l’on trouve parfois dans ces salles d’art contemporains aux réalisations trop complexes pour la compréhension du badaud de passage. Il y a bien quelques écriteaux mais ils sont trop peu nombreux pour assouvir les questionnements que cet inventaire étourdissant suscite dans notre moi primal. Seuls quelques gardiens charnus veillent à ce qu’il ne vienne à personne la funeste idée de ramener quelques os.

PHB

Galerie de paléontologie et d’anatomie comparée, Jardin des Plantes

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