Plan d’occupation des sols à la Monnaie de Paris

Un jour de l’année 1917 à New York, excédé de ne pouvoir fixer un porte-manteau, Marcel Duchamp décide de laisser par terre. Il griffonne un mot dessus et signe. Titré « Trébuchet », l’objet devient -comme un célèbre urinoir- œuvre d’art, et même « Ready-made ». A la différence des autres réalisations actuellement exposées à la Monnaie de Paris, celle-ci ne détaille pas outre mesure ses ambitions.

Cent ans plus tard, l’échantillonnage qui nous est donné à voir par le Centre Pompidou dans les magnifiques salles du palais Conti, est en effet riche d’intentions dont la portée déclarée se voudrait presque aussi importante que sa matérialisation. L’héritage intellectuel de Marcel Duchamp est ainsi perceptible dans la proposition de Michel Blazy installée dans le vestibule du palais. L’artiste a réalisé une forme au sol, tout en courbes, uniquement avec des feuilles -roses- de papier-toilette. L’une des idées qui sous-tend cette projection littéralement terre à terre est que le moindre courant d’air pourrait être amené à en modifier l’aperçu. Dommage que les fenêtres soient fermées, il aurait fallu compléter l’ensemble d’un ventilateur. Cette « Chute » ainsi nommée, à l’orée des salles d’exposition, fait ainsi figure d’avertissement. Il est remarquable de voir à quel point ces vieilles maisons se prêtent bien au jeu de l’art contemporain.

La façon dont chacun ici occupe le sol constitue presque à chaque fois un sujet d’étonnement, de la proposition la plus minimaliste jusqu’à des conceptions plus élaborées. Jean-Luc Vilmouth a choisi de placer au sol un marteau et de l’entourer de milliers de clous qui vont ainsi amplifier d’une surface métallique, la forme de l’outil. L’artiste dit qu’un « objet n’existe pas seul au monde » que « les choses ne sont que parce qu’elles entrent en relation avec ce qui les entoure ». On pourrait faire la même chose avec une mitraillette en l’entourant de cartouches.

« Pittura pura, pura luce » Claudio Parmiggiani

Inspiré semble-t-il par Yves Klein, Claudio Parmiggiani, voit dans son œuvre (ci-contre) un rituel qui place côte à côte des couleurs mais aussi des parfums car ses boîtes métalliques sont emplies non seulement de pigments mais aussi d’épices. Il en ressort un ensemble qui plaît surtout à l’œil tant les couleurs choisies dans leur juxtaposition sont vives y compris un bleu rappelant celui de Klein.

L’exposition organisée par le Centre Pompidou qui s’intitule « À pied d’œuvre (s) » relèverait presque du langage administratif tant nous avons affaire ici à un plan d’occupation des sols avec des idées extrêmement variées, tenant si l’on peut dire de la « performance » sculpturale, écrite à même le parquet historique, ou bien vidéographique et au ras du bitume.

Quand Corot, entre 1825 et 1828, s’intéresse à la vasque installée devant la villa Médicis à Rome, il la peint plusieurs fois. Mais il ne fait que la représenter dans cette lumière italienne si particulière. Il n’a pas d’autre intention et c’est ce qui fait la différence avec un artiste d’aujourd’hui, quelque deux siècles plus tard. Et il n’est pas évident non plus que l’ouvrier ayant réalisé cette si jolie fontaine se soit donné un autre but qu’une fonction -certes esthétique- de rafraîchissement pour le visiteur. Ce que l’on voit à la Monnaie de Paris, ce ne sont ni des objets fonctionnels, ni leur représentation artistique. Ils sont de la création pure, matérialisant la démonstration d’une idée plus ou moins abstraite. C’est ainsi que le « Trébuchet » de Marcel Duchamp a pu marquer le franchissement radical d’une époque à une autre, enclenchant carrément et par décret, une révolution.

PHB

« Chute », Michel Blazy

« À pied d’œuvre (s) », Monnaie de Paris, jusqu’au 9 juillet

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2 réponses à Plan d’occupation des sols à la Monnaie de Paris

  1. philippe person dit :

    Le hasard existe-t-il ? Ce matin, je lisais le dernier Sollers, « Beauté », et j’ai recopé ce passage anti-Duchamp…
    Franchement, Philippe, je ne suis pas loin de penser la même chose que le Bordelais sur le Normand. Suis-je devenu « réac » ?

     » Dans une photo assez laide, on peut voir Marcel Duchamp attablé devant un échiquier avec une femme nue à l’air empoté. C’est aussi bête que l’inscription LHOOQ au bas de la reproduction de la Joconde, le Nu descendant un escalier, la poupée du musée de Philadelphie, la Mariée mise à nu par ses célibataires, même, et autres inventions légendaires de l’art dit « moderne » ayant fasciné les Américains. Même prétention idiote dans la déclaration de sa pierre tombale : « La mort est quelque chose qui n’arrive qu’aux autres. » Duchamp méprisait les femmes, c’est un sentimental frigide et déçu, d’où son succès chez tous les provinciaux physiologiques. Autant en emporte le vent renversant tous les urinoirs du monde. Bluff énorme, raideur, laideur. » (Pages 51-52, « Beauté », Gallimard)

  2. LOMBARD dit :

    Tout cela pollue le regard, l’esprit, et la nature par dessus le marché !
    Tout cela coûte cher aux finances publiques !
    Bobos, snobs et faux artistes sont là-devant comme des paons se promenant devant une glace !

    André Lombard 84750 Viens

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